Fleurir Après le Désespoir
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Chapitre 4

Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé. Une heure ? Un jour ? Le temps n'existait plus dans cette obscurité froide et humide. J'ai été tirée de ma torpeur par le bruit strident du verrou. La porte s'est ouverte, me laissant aveuglée par la lumière crue d'une ampoule nue dans le couloir.

Antoine se tenait là, son visage était un masque impénétrable. Derrière lui, Clara affichait une expression de fausse inquiétude.

« Lève-toi », m'a ordonné Antoine.

Mes membres étaient raides et douloureux. Je me suis hissée péniblement sur mes pieds, chancelant. Il m'a attrapée par le bras sans ménagement et m'a ramenée dans la lumière de l'atelier principal. Il était vide, la nuit était profonde.

« Clara est encore traumatisée par ton agression », a-t-il dit, sa voix plate. « Elle a peur. Elle a besoin de savoir que tu regrettes vraiment. Que tu ne lui feras plus jamais de mal. »

Clara a pris la parole, sa voix doucereuse et pleine de larmes feintes. « Antoine, chéri, ce n'est peut-être pas nécessaire. Elle a l'air si... pitoyable. Je suis sûre qu'elle a compris la leçon. »

Son jeu d'actrice était parfait. Elle jouait la sainte, la victime miséricordieuse, tout en attisant les flammes de la colère d'Antoine.

Il a ignoré ses protestations. Il a ouvert un tiroir et en a sorti une petite lame de précision, un de ces outils que nous utilisions pour couper les fils les plus fins. Il l'a posée sur la table devant moi. Le métal froid brillait sous la lumière.

Mon sang s'est glacé.

« Clara a besoin d'une preuve de ton remords », a dit Antoine. « Une preuve que tu ne peux pas effacer. Elle a eu une coupure à la main en essayant de se défendre contre toi. C'est juste que tu portes une marque similaire. Montre-lui que tu comprends la douleur que tu lui as infligée. »

Il me demandait de me mutiler. Pour elle. Pour apaiser la colère d'un homme trompé par une menteuse.

« Je ne le ferai pas », ai-je murmuré, la gorge sèche. « Je ne l'ai pas attaquée. Je n'ai rien fait de mal. »

Ma réponse calme a semblé l'enrager plus que des cris ou des pleurs. Ses yeux se sont rétrécis.

« Tu oses encore nier ? » a-t-il grondé. Il a pris la lame et l'a mise de force dans ma main, refermant mes doigts dessus. « Fais-le. Ou je le ferai pour toi. »

Clara a mis une main sur son bras. « Antoine, non... Je ne pourrais pas supporter de voir ça. C'est trop cruel. »

Elle a détourné la tête, mais je pouvais voir le reflet de son visage dans une vitre. Un sourire de pur sadisme. Elle savourait chaque seconde de mon humiliation.

Je l'ai regardé, Antoine, l'homme que j'avais idolâtré. Il n'y avait plus rien de l'artiste, du mentor. Juste un tyran aveugle.

J'ai levé ma main tremblante, la lame pointée vers la paume de mon autre main. J'ai vu son regard vaciller une fraction de seconde. Une lueur d'humanité, peut-être ? Un doute fugace ? Mais il a disparu aussi vite qu'il était apparu, remplacé par un masque de détermination froide.

J'ai fermé les yeux et j'ai appuyé. Une douleur fulgurante a traversé ma main. J'ai senti le sang chaud couler sur mes doigts et goutter sur le sol en bois. J'ai rouvert les yeux. Une ligne rouge et nette traversait ma paume.

Antoine a regardé la blessure, puis mon visage. Il n'a rien dit. Il a pris un mouchoir propre et l'a tendu à Clara pour qu'elle puisse s'essuyer ses fausses larmes. Puis il l'a attirée à lui et l'a embrassée, là, devant moi, alors que mon sang tachait le sol de son atelier. C'était un message clair. Elle était tout. Je n'étais rien.

Il l'a ensuite raccompagnée jusqu'à la porte, lui murmurant des mots rassurants. Je suis restée seule au milieu de la pièce, ma main ensanglantée serrée contre ma poitrine, le cœur vide de tout sauf d'une douleur sourde.

Cette nuit-là, il ne m'a pas renvoyée dans la cave. Il m'a ordonné de nettoyer le sol et de dormir sur un canapé dans le coin de l'atelier. C'était une autre forme de prison.

Au milieu de la nuit, alors que je sombrais dans un sommeil agité, j'ai senti une présence. J'ai ouvert les yeux. Antoine était penché sur moi. Son visage était étrange, un mélange de colère, de confusion et... de désir. Il sentait l'alcool.

« Pourquoi ? » a-t-il murmuré, plus pour lui-même que pour moi. « Pourquoi est-ce que tu me fais ça ? »

Il a tendu la main et a touché ma joue. Son contact m'a brûlée. J'ai reculé, terrifiée.

« Ne me touchez pas », ai-je dit, la voix tremblante.

Mon rejet a semblé briser quelque chose en lui. Son visage s'est durci. Il s'est penché davantage, son poids m'écrasant sur le canapé. J'ai senti son souffle sur mon visage. C'était une violation, une intrusion terrifiante.

« Antoine ! Qu'est-ce que tu fais ? »

La voix de Clara a retenti depuis l'embrasure de la porte. Elle était revenue. Elle se tenait là, les yeux flamboyants de rage.

Antoine s'est redressé d'un coup, comme s'il sortait d'un brouillard. Il m'a regardée avec horreur, puis a regardé Clara. La panique a déformé ses traits. Il fallait un coupable. Et ce ne serait pas lui.

« C'est elle ! » a-t-il crié, me montrant du doigt. « Elle a essayé de me séduire ! Elle m'a attiré ici ! Cette... cette créature ! »

Clara a joué le jeu à la perfection. Elle a éclaté en sanglots. « Je le savais ! Je savais qu'elle était une menace ! »

Antoine, pour prouver sa loyauté, pour effacer son propre acte honteux, s'est tourné vers moi avec une fureur renouvelée.

« Tu ne t'en sortiras pas comme ça », a-t-il sifflé. « Cette fois, tu vas payer. Vraiment payer. »

Il m'a de nouveau traînée vers le sous-sol, mais cette fois-ci, il ne s'est pas arrêté à la chaufferie. Il a continué jusqu'à une section plus profonde, plus ancienne de la cave, un endroit que je n'avais jamais vu. Il a ouvert une lourde grille en fer. Derrière, il n'y avait que l'obscurité.

« C'est ici que finissent les ordures », a-t-il dit, avant de me pousser violemment à l'intérieur.

La grille s'est refermée avec un bruit métallique final. J'étais tombée dans un enfer encore plus profond.

                         

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