L'Amour Brisé du Vigneron
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Chapitre 1

Le soleil de Provence tapait fort, trop fort. Il brûlait les feuilles des vignes et faisait craquer la terre sèche sous mes pieds. C' était une chaleur hostile, une chaleur qui semblait se réjouir de mon malheur. Je me tenais au milieu du domaine, ce magnifique héritage qui aurait dû être notre paradis, à Marc et à moi. Maintenant, ce n'était plus qu'une prison à ciel ouvert.

Marc était en prison.

Mon mari, un œnologue si passionné, si doué, accusé d'avoir saboté les vignes de notre voisin. C'était un mensonge. Un mensonge cruel et calculé, mais personne ne voulait m'écouter.

Une voiture de luxe s'est arrêtée dans le chemin de terre, soulevant un nuage de poussière qui est venu me piquer les yeux.

Monsieur Delacroix en est sorti.

Grand, imposant, avec un sourire qui n'atteignait jamais ses yeux froids. Il était l'homme le plus puissant de la région, notre voisin, notre concurrent. Et notre bourreau. Il s'est approché de moi, son regard balayant le domaine avec une satisfaction mal dissimulée.

« Élise, ma pauvre enfant. Regardez-vous. Vous êtes seule, dévastée. C'est une tragédie. »

Sa voix était pleine d'une fausse sympathie qui me donnait la nausée.

Je n'ai pas répondu. Je n'avais plus la force de me battre avec des mots.

« Je sais que c'est difficile, » a-t-il continué, en s'approchant encore. « Marc était... impulsif. Un jeune homme talentueux, mais incapable de gérer la pression. Ce qu'il a fait à mes vignes est impardonnable. »

Mes mains se sont serrées en poings le long de mon corps.

« Il n'a rien fait. »

Ma voix était un murmure rauque, presque inaudible.

Delacroix a eu un petit rire.

« L'amour vous rend aveugle. La justice a parlé, Élise. Il est en prison, et il y restera longtemps. Ce domaine va mourir avec lui. »

Il a marqué une pause, laissant ses mots s'enfoncer en moi. Puis, il a pris un air magnanime, comme s'il m'offrait le salut.

« Mais je suis un homme bon. Je ne veux pas vous voir sombrer. Je peux vous aider. »

Je l'ai regardé, méfiante.

« Vendez-moi le domaine. Je vous donnerai un bon prix, bien plus que ce qu'il ne vaudra dans quelques mois. Vous pourrez partir, tout oublier, recommencer une nouvelle vie, loin d'ici. »

L'offre était là, claire et nette. Il voulait tout. Il voulait notre terre, notre maison, nos rêves. Il voulait effacer notre existence.

Le silence s'est étiré. Le soleil continuait de brûler. Les cigales chantaient leur chant monotone et assourdissant. Delacroix me regardait, certain de sa victoire. Il me voyait comme une femme brisée, prête à céder. Pendant des semaines, il m'avait vue pleurer, m'isoler, subir les regards accusateurs des gens du village. Il pensait m'avoir suffisamment écrasée. Il pensait que j'étais enfin devenue cette chose docile et soumise qu'il attendait.

Mais quelque chose en moi a refusé.

Lentement, j'ai détourné mon regard de lui. Mes yeux se sont posés sur un cep de vigne près de moi. C'était un vieux cep, noueux, tordu, mais une petite pousse verte et vigoureuse s'en échappait, défiant la sécheresse et la chaleur. Elle semblait pleine de vie, pleine de promesses.

Sans un mot, je me suis agenouillée. J'ai ignoré la présence de Delacroix, le monde entier. J'ai doucement touché la petite pousse verte avec le bout de mes doigts. C'était fragile, mais vivant. C'était mon espoir. C'était Marc. C'était tout ce qui me restait.

Ce geste simple a tout changé.

J'ai senti le regard de Delacroix se durcir dans mon dos. Mon refus silencieux, mon attention portée à cette vigne plutôt qu'à son offre généreuse, était un affront insupportable pour lui.

« Vous m'ignorez ? » a-t-il sifflé, sa voix perdant toute sa fausse douceur.

Je n'ai pas bougé. J'ai continué à caresser la jeune pousse, comme pour lui transmettre ma force.

« Je vous parle, Élise ! Relevez-vous ! »

Le ton était devenu un ordre. Un ordre que j'ai choisi d'ignorer.

Soudain, une fureur a éclaté.

J'ai entendu un bruit sec et violent. Sa main s'est abattue sur le piquet en bois juste à côté de ma tête. Le choc a fait trembler le cep de vigne et a manqué d'arracher la petite pousse.

Par pur réflexe, j'ai couvert la pousse avec mes deux mains, protégeant cette nouvelle vie fragile avec mon propre corps. Je me suis recroquevillée sur elle, prête à tout encaisser pour la sauver. C'était tout ce qui comptait. Protéger ce petit bout de vigne, c'était protéger Marc, c'était protéger notre amour, notre héritage.

Delacroix se tenait au-dessus de moi, haletant de rage. Il avait frappé le bois, pas moi, mais la violence de son geste avait rempli l'air. Il venait de me montrer son vrai visage, celui d'un prédateur furieux d'être défié par sa proie.

Et moi, au lieu de trembler de peur, j'ai senti une nouvelle force naître en moi. Une détermination froide et dure. Il ne gagnerait pas. Je ne le laisserais pas faire.

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