Brisée, Puis Reine de Mes Rêves
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Chapitre 2

Les jours suivants ont été un tourbillon d'activités. Mme Dubois a été incroyable, elle a utilisé ses contacts pour accélérer toutes les démarches pour mon départ à l'étranger. Visa, inscription à l'université, billets d'avion... tout s'est mis en place avec une rapidité surprenante. Pour la première fois de ma vie, je sentais que quelqu'un se souciait vraiment de mon avenir.

Elle m'a même emmenée faire les magasins. "Tu ne peux pas partir comme ça, ma chérie. Tu as besoin de nouveaux vêtements."

Dans la cabine d'essayage, en me voyant dans une jolie robe simple, j'ai failli pleurer. C'était la première fois que je portais quelque chose de neuf qui n'était pas un uniforme scolaire ou un vêtement de seconde main.

"Vous êtes belle, Estelle," m'a dit Mme Dubois avec un sourire maternel.

Ce soir-là, alors que je pliais soigneusement ma nouvelle robe, mon téléphone a sonné. C'était ma mère. Mon premier réflexe a été de ne pas répondre, mais une vieille habitude a pris le dessus.

"Allô ?"

"Estelle ! Où étais-tu passée ? On s'est inquiétés !" Sa voix était faussement douce. "Tu n'es pas venue à ton examen, qu'est-ce qui s'est passé ?"

Je n'ai rien dit.

"Écoute, chérie," a-t-elle continué, "ton père était un peu dur l'autre jour, il regrette. On a une surprise pour toi. On a organisé une petite fête pour s'excuser et pour fêter ton départ à l'université. Reviens à la maison, tout le monde t'attend."

Une fête ? Pour moi ? Une partie de moi, la petite fille naïve qui voulait tellement être aimée, a eu un sursaut d'espoir. Mais la Estelle qui avait marché trente kilomètres sous la pluie a tout de suite senti le piège.

"Je ne sais pas," ai-je murmuré.

"Allez, Estelle. Ta sœur Sophie a même préparé un gâteau pour toi. Elle se sent tellement mal de ce qui s'est passé. Fais-le pour elle."

Le nom de Sophie a été le signal d'alarme final. J'ai accepté, mais avec une froideur dans le cœur. Je savais que je devais y aller, ne serait-ce que pour récupérer mes quelques affaires et leur dire adieu en face.

Quand je suis arrivée à la villa, tout semblait normal. Mon père, ma mère, mon frère Louis et Sophie étaient tous dans le salon. Une table basse était dressée avec des boissons et un gâteau.

"Estelle, te voilà enfin !" s'est exclamée ma mère en venant vers moi. "Tu es très jolie dans cette robe."

Sophie s'est approchée avec un grand sourire. "Je suis désolée pour tout, Estelle. J'ai fait ce gâteau spécialement pour toi. C'est pour me faire pardonner."

Elle tenait le gâteau à la crème, magnifiquement décoré. J'ai senti le regard de toute la famille sur moi. J'ai esquissé un vague sourire, mal à l'aise.

"Merci, Sophie."

C'est à ce moment-là que tout a basculé. Au lieu de poser le gâteau sur la table, Sophie l'a projeté en avant, me l'écrasant en plein visage. La crème sucrée et collante a envahi mes yeux, mon nez, ma bouche. J'étais aveuglée, suffoquant sous la pâtisserie.

Le silence a été rompu par un éclat de rire. Celui de Louis. Puis celui de mon père. Ma mère souriait, l'air amusé.

"Oh, Sophie, quelle chipie !" a-t-elle dit.

J'ai essayé d'essuyer la crème de mon visage, mais mes mains tremblaient trop. Des larmes de rage et d'humiliation ont commencé à couler, se mélangeant à la crème.

Louis s'est approché de moi et m'a poussée violemment. J'ai perdu l'équilibre et je suis tombée lourdement sur le sol en marbre. Ma tête a heurté le pied d'une table. Une douleur fulgurante m'a traversé le crâne.

J'ai entendu le son de ma nouvelle robe qui se déchirait sous le choc. Du sang chaud a commencé à couler de ma tempe, se mêlant à la crème blanche et rose.

Personne n'a bougé pour m'aider. Ils me regardaient tous de haut, comme si j'étais un spectacle divertissant.

Sophie s'est penchée vers moi, son visage angélique déformé par un sourire cruel.

"Tu vois, Estelle," a-t-elle chuchoté pour que moi seule l'entende. "C'est ta place. Par terre. Couverte de restes."

Je suis restée au sol, silencieuse. La douleur physique était intense, mais la douleur émotionnelle était bien pire. J'ai compris. Ce n'était pas une fête pour s'excuser. C'était une cérémonie d'humiliation. Ils voulaient me briser une dernière fois avant que je parte.

Autrefois, j'aurais pleuré, j'aurais crié, j'aurais supplié. Mais pas aujourd'hui. Une sorte de calme glacial s'est installé en moi. J'ai simplement fermé les yeux, encaissant leur haine.

Mon père a finalement pris la parole, son ton redevenant sévère et moralisateur.

"Relève-toi. C'était juste une blague. Tu manques vraiment d'humour. C'est ça ton problème, Estelle. Tu prends tout trop au sérieux."

Je me suis relevée lentement, sans un mot. J'ai ignoré le sang qui coulait sur ma joue. J'ai ignoré ma robe déchirée. J'ai ignoré leurs regards.

Ma mère m'a tendu un mouchoir. "Va te nettoyer. Tu fais une de ces têtes."

Alors que je passais devant eux pour aller à la salle de bain, mon frère m'a attrapée par le bras.

"Attends," a-t-il dit d'une voix méprisante. "Où est-ce que tu as eu cette robe ? Elle a l'air chère. Tu n'as pas d'argent."

Sophie a ajouté, avec une fausse innocence : "Oh, c'est vrai, elle est très jolie. J'espère que tu ne l'as pas eue en faisant des choses... inappropriées, Estelle. Ce serait tellement dommage pour la réputation de la famille."

Son insinuation était claire, venimeuse. Ils ne se contentaient pas de me blesser physiquement. Ils voulaient salir mon honneur, ma dignité, tout ce qui me restait.

Je les ai regardés, un par un. Le père autoritaire, la mère complice, le frère cruel, la sœur manipulatrice. Mon silence les a déstabilisés. Ils s'attendaient à des larmes, à des cris. Ils n'ont eu qu'un regard vide.

Je me suis dégagée de l'emprise de mon frère et j'ai continué mon chemin vers la salle de bain, le dos droit.

Dans le miroir, mon reflet était pathétique. Du sang, de la crème, des larmes séchées. Mais pour la première fois, j'ai vu dans mes propres yeux une lueur que je ne connaissais pas. Ce n'était plus de la tristesse. C'était du mépris. Un mépris aussi profond et aussi froid que le leur.

J'ai nettoyé mon visage avec une lenteur méthodique. Chaque geste était une promesse. La promesse que c'était la dernière fois. La dernière fois qu'ils me touchaient. La dernière fois qu'ils me faisaient du mal.

Quand je suis retournée au salon, je les ai trouvés en train de rire en mangeant le reste du gâteau. Ils ne m'ont même pas regardée. C'était comme si je n'existais pas.

Sophie a levé les yeux vers moi, une lueur de défi dans le regard.

"Alors, cette robe ? Qui te l'a payée ?" a-t-elle insisté.

La question est restée en suspens, lourde de sous-entendus, préparant le terrain pour leur prochain assaut.

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