Le Bain de Vapeur de la Trahison
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Chapitre 1

La vapeur chaude du hammam me collait à la peau, mais ce n'était rien comparé à la sueur froide qui coulait maintenant le long de mon dos.

Deux hommes, des brutes que je n'avais jamais vues, me tenaient fermement les bras.

Leurs visages étaient des masques impassibles, leurs mains des étaux.

Je me débattais, mais c'était inutile.

L'un d'eux a ricané, un son rauque et désagréable dans l'air humide.

« Ne te bats pas, petit riche. C'est un cadeau de ta fiancée. »

Sophie ? Non, c'était impossible. Nous devions annoncer nos fiançailles demain soir. Elle m'aimait.

La confusion a lutté avec la peur dans mon esprit.

Puis la douleur a tout balayé.

Un couteau, pas assez aiguisé pour tuer vite mais parfait pour mutiler, a commencé son travail sur mon visage.

Je hurlais, mais le sifflement de la vapeur étouffait mes cris, les transformant en un gargouillis pathétique.

Le métal froid a déchiré ma joue, puis une autre, encore et encore.

Je sentais le sang chaud couler, se mêler à la sueur et à la vapeur.

Ils ne se sont pas arrêtés là.

Mes mains, celles d'un futur dirigeant qui devait signer des contrats, ont été brisées. Un bruit sec, os contre métal, a résonné, suivi d'une nouvelle vague de douleur si intense que ma vision s'est brouillée.

Puis un coup violent à l'arrière de la tête m'a fait tomber à genoux.

Mon corps a heurté le sol carrelé et brûlant.

Je les ai entendus partir, leurs pas lourds s'éloignant, me laissant dans une mare de mon propre sang, défiguré et brisé.

Je suis resté là, flottant dans un brouillard de douleur, jusqu'à ce que la porte s'ouvre à nouveau.

J'ai lutté pour rester conscient, pour voir qui venait achever le travail.

Ma vision était floue, presque inexistante, mais j'ai reconnu sa silhouette, sa démarche.

« Sophie... »

Elle s'est arrêtée, regardant mon corps mutilé sans un mot.

Puis une autre silhouette est apparue derrière elle.

Marc. Mon frère adoptif.

Il a posé une main sur l'épaule de Sophie et a souri, un sourire de triomphe que j'ai pu deviner même à travers ma vision défaillante.

« C'est fait. Il ne sera plus un problème. »

La voix de Sophie était un murmure tremblant.

« Était-ce vraiment nécessaire d'aller si loin ? »

« Oui, » a répondu Marc, sa voix dure comme de la pierre. « Il fallait s'assurer qu'il ne puisse jamais revenir. Ni à la tête de l'entreprise, ni dans ta vie. Maintenant, c'est moi que tu épouseras. »

Le monde a basculé. Chaque mot était un coup de poignard plus profond que ceux du couteau.

J'ai essayé de bouger, de crier, mais aucun son n'est sorti.

Mon corps ne m'obéissait plus.

Puis j'ai entendu une troisième voix, une voix qui a glacé le peu de sang qui me restait.

Une voix froide, calculatrice, que je connaissais mieux que la mienne.

Celle de ma mère, Catherine Dubois.

« Bon travail, Marc. Je savais que je pouvais compter sur toi. »

Ma mère. L'instigatrice.

Le choc était si violent qu'il a surpassé la douleur physique.

Pourquoi ? J'étais son fils. Son seul fils biologique.

« Mère, » a dit Marc, et il y avait une fierté malsaine dans sa voix, « tout s'est passé comme prévu. Alexandre est fini. La maison Dubois t'appartient, et elle m'appartiendra un jour. »

Catherine a eu un petit rire sec, dépourvu de toute chaleur.

« Bien sûr, mon fils. Tu as toujours été le seul à mériter cet héritage. Pas cet échec, ce rappel constant de son père. »

Son père. Mon père, Henri Dubois. L'homme qu'elle avait fait interner il y a des années, prétendant qu'il était devenu fou.

Mon cœur, ou ce qu'il en restait, s'est brisé en mille morceaux.

Ce n'était pas seulement une question d'héritage. C'était une haine profonde, ancienne.

Elle ne m'avait jamais aimé.

Toutes ces années, j'avais cherché son approbation, son affection, un simple regard de fierté.

En vain.

Elle avait toujours préféré Marc, le fils de son ancien chauffeur, Étienne Fournier, qu'elle avait adopté après sa mort prétendue.

Maintenant, je comprenais.

Ce n'était pas de la préférence, c'était un plan.

Elle parlait à nouveau, ses mots précis et cruels résonnant dans le hammam.

« Étienne serait si fier de toi, Marc. Tu es bien son fils. Notre fils. »

Notre fils.

Le souffle m'a manqué. Marc n'était pas le fils de son chauffeur décédé. Il était le fils de ma mère et de son amant.

Mon existence même était une erreur à ses yeux, un obstacle à son bonheur secret.

J'étais le fils légitime, mais c'est Marc, le bâtard, qu'elle chérissait.

Le monde que je connaissais, la famille que je croyais mienne, tout n'était qu'un mensonge.

La douleur, la trahison, la révélation... tout s'est mélangé en une vague noire qui m'a submergé.

Juste avant de perdre connaissance, une dernière pensée a traversé mon esprit dévasté.

Ma maison n'avait jamais été une maison.

C'était un piège.

Et j'étais la proie.

            
            

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