« Non, mademoiselle. C'est une contrefaçon d'une pièce unique appartenant à la maison Dubois. Veuillez nous la rendre. »
Le visage de Chloé passa de l'incrédulité à la fureur.
« Vous êtes fous ! Sécurité ! Sortez-moi ces deux gorilles ! »
Mais la sécurité de l'événement, reconnaissant l'autorité de Jean-Pierre, un nom respecté dans le milieu, resta à distance, l'air embarrassé. La caméra du blogueur, sentant le scoop, zooma sur le visage décomposé de Chloé. Les commentaires du live défilaient à toute vitesse, un mélange de confusion, de moquerie et de jubilation.
« On ne vous le demandera pas une troisième fois, » dit Jean-Pierre, son ton ne laissant aucune place à la négociation.
Pendant que son collègue bloquait toute tentative de fuite, Jean-Pierre sortit une grande housse à vêtement noire et un peignoir en soie. Il les tendit à Chloé.
« Enlevez la robe. Maintenant. »
Humiliée, les larmes de rage aux yeux, Chloé n'eut d'autre choix que de se réfugier derrière un paravent apporté par le personnel de l'hôtel pour se changer. Quand elle en ressortit, vêtue du simple peignoir, son arrogance s'était évaporée, ne laissant qu'une jeune femme tremblante et pathétique. Jean-Pierre plaça délicatement la robe souillée dans la housse, comme s'il manipulait une relique sacrée.
C'est à ce moment précis qu'une berline noire aux vitres teintées se gara en double file devant l'hôtel. Le portier se précipita pour ouvrir la portière.
Élise Dubois en sortit.
Vêtue d'un tailleur-pantalon d'un blanc immaculé, elle semblait rayonner dans la pénombre de la soirée. Le silence se fit dans le hall et même à l'extérieur. Elle entra, ses talons claquant sur le marbre. Chaque pas était mesuré, impérial. Elle ne regarda personne, ses yeux fixés sur la petite estrade où Chloé se tenait, défaite.
Élise monta les quelques marches, son calme contrastant violemment avec l'agitation ambiante. Elle s'arrêta devant Chloé, la toisant de toute sa hauteur. Elle n'eut pas besoin de dire un mot. Son regard, froid et pénétrant, suffisait. C'était un regard qui vous déshabillait, qui voyait toute votre insignifiance.
Elle prit la housse des mains de Jean-Pierre. Puis, elle se pencha légèrement vers Chloé, sa voix un souffle glacial que seule la jeune femme put entendre.
« Tu as voulu jouer dans la cour des grands, petite. Mais tu n'es même pas assez maligne pour savoir qu'il y a des règles. C'est ta première leçon. Et ta dernière. »
« Vous ne pouvez pas me faire ça ! » balbutia Chloé.
« Je peux, » répondit Élise en se redressant. « Et je l'ai déjà fait. »
Soudain, une voix s'éleva, brisant la tension.
« Élise ! Ça suffit ! »
Marc Lefevre venait d'arriver, le visage rouge de colère. Il se précipita sur l'estrade et se plaça entre Élise et Chloé, comme pour protéger cette dernière.
« Tu vas trop loin ! C'est une humiliation publique ! Pour une simple robe ! »
Élise eut un petit rire, dénué de toute chaleur.
« Une simple robe ? Cette "simple robe" a payé ton premier appartement, Marc. Cette "simple robe" a financé les débuts de notre entreprise quand tu n'avais pas un sou. Mais tu as la mémoire courte, n'est-ce pas ? Surtout quand une nouvelle distraction se présente. »
Son regard passa de Marc à Chloé, puis revint sur lui.
« Je suis déçue, Marc. Pas seulement parce que tu m'as trahie. Mais parce que tu l'as fait pour... ça. Une copie bon marché. C'est tout ce que tu vaux, finalement. »
Le visage de Marc se crispa. Il savait qu'elle avait touché juste.
« Ne dis pas n'importe quoi... »
« Assez, » le coupa Élise. « La discussion est terminée. »
Chloé, enhardie par la présence de Marc, ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, une insulte probablement.
« Tais-toi, Chloé ! » siffla Marc en lui jetant un regard furieux. Il avait peur. Il savait de quoi Élise était capable quand on la poussait à bout.
Élise ne leur accorda pas un regard de plus. Elle se tourna, tenant précieusement la housse contenant sa création profanée, et descendit de l'estrade avec la même grâce royale qu'à son arrivée. Jean-Pierre et son homme la suivaient comme son ombre.
Alors qu'elle traversait le hall, elle vit le reflet de la scène dans un miroir. Marc avait pris Chloé dans ses bras, la consolant, lui murmurant des mots à l'oreille. L'image la frappa, non pas de jalousie, mais d'un dégoût profond. C'était la fin. La fin de tout.
Dans la voiture, le silence était total. Élise ouvrit la housse et regarda la robe. La tache de champagne était là, comme une cicatrice. Elle se souvint du jour où elle l'avait terminée, dans leur petit atelier. Marc était entré, l'avait prise dans ses bras et lui avait dit : « Tu es un génie, mon amour. Ensemble, on va conquérir le monde. »
Une seule larme, chaude et amère, roula sur sa joue. Elle l'essuya d'un geste rageur. Il ne s'agissait plus de conquérir le monde. Il s'agissait de le reprendre. Et de le détruire, lui.