Leur soulagement était palpable. Sophie m'a envoyé une série de messages exubérants, parlant des essayages de robes, du choix des fleurs, comme si nous étions les meilleures amies du monde planifiant un jour heureux. Jean-Luc, de son côté, m'adressait des regards suffisants lorsque nous nous croisions, un mélange de pitié et de triomphe. Il était convaincu que j'étais une femme faible, incapable de lui résister, revenant comme un chien battu.
Je jouais mon rôle à la perfection. J'ai souri aux essayages, j'ai complimenté le choix du lieu, j'ai écouté Sophie se plaindre de sa "fatigue chronique" avec une compassion feinte. Mais pendant ce temps, dans l'ombre, la vraie partie avait commencé.
Mon père m'avait donné accès à ses ressources, notamment à une équipe d'enquêteurs privés de premier ordre. Je leur avais demandé de creuser plus loin que la simple infidélité ou la maladie. Je voulais tout savoir sur Sophie Laurent.
Quelques jours plus tard, je reçus un rapport chiffré. Il contenait des captures d'écran d'un forum privé, caché dans les profondeurs du web. Il ne s'agissait pas d'un simple site de rencontres. Le nom du forum était "Le Don", et ses membres parlaient un langage codé. Il m'a fallu un peu de temps pour comprendre l'horrible vérité.
Sophie n'était pas une victime passive de sa maladie. Elle était une prédatrice. Elle et les autres membres de ce groupe se considéraient comme des "porteurs" d'un "don" qu'ils partageaient avec des cibles choisies. Ils prenaient un plaisir pervers à infecter délibérément des personnes, souvent riches ou puissantes, voyant cela comme une forme de justice tordue ou de pouvoir ultime. Ils partageaient des histoires, des stratégies, et se vantaient de leurs "conquêtes".
Un nom d'utilisateur a attiré mon attention : "LilithNoire". Les messages de cet utilisateur étaient particulièrement virulents et détaillés. Elle parlait de sa dernière cible, un "PDG arrogant qui méritait une leçon d'humilité". Elle décrivait comment elle l'avait séduit, comment il était tombé éperdument amoureux d'elle, ignorant tout du "cadeau" qu'elle lui offrait. Les détails correspondaient parfaitement à Jean-Luc.
Mon sang se glaça. Ce n'était plus une simple histoire de trahison et de maladie. C'était une conspiration criminelle.
Les enquêteurs ont continué à creuser. Ils ont trouvé un lien entre plusieurs membres du forum et un homme nommé Marco Bellini, un criminel connu des services de police pour divers trafics, notamment proxénétisme et extorsion. Il avait été arrêté plusieurs fois mais toujours relâché faute de preuves solides. Bellini semblait être le facilitateur du groupe, leur fournissant des contacts, peut-être même une protection.
La pièce finale du puzzle est arrivée la veille du mariage. Les enquêteurs ont réussi à décrypter des messages plus anciens de "LilithNoire". Ils ont découvert qu'elle n'était pas une simple membre. Elle était l'une des fondatrices du forum. Elle était la tête pensante.
Sophie. Ma "meilleure amie". La jeune femme fragile et douce que tout le monde plaignait. C'était un monstre, une sociopathe qui orchestrait la destruction de vies par pur plaisir sadique. Jean-Luc n'était pas seulement une victime de sa maladie, il était la victime d'un plan délibéré et cruel.
Assise dans le silence de ma chambre, l'écran de l'ordinateur portable illuminant mon visage, je ressentis une vague de terreur pure. La perversité de Sophie dépassait tout ce que j'avais pu imaginer. Mon plan de vengeance initial, centré sur l'humiliation publique de Jean-Luc, semblait soudain bien dérisoire face à l'ampleur de cette noirceur.
Il ne s'agissait plus de ma douleur personnelle. Il y avait d'autres victimes, et il y en aurait d'autres si personne n'arrêtait Sophie. Ma vengeance venait de prendre une toute autre dimension. Je n'allais pas seulement détruire leur mariage. J'allais anéantir leur monde.