Plus tard dans la journée, alors qu'il faisait une ronde de surveillance, il est passé devant le salon. La porte était entrouverte. À l'intérieur, Sophie était assise sur le canapé, près de Marc. Elle lui montrait comment démonter et nettoyer un pistolet, une de ses spécialités. Mais ce n'était pas une leçon technique. C'était un jeu de séduction. Ses doigts effleuraient les siens, son visage était si proche du sien qu'il pouvait presque sentir le parfum de ses cheveux. Elle lui parlait à voix basse, avec une intonation qu'Alexandre n'avait jamais entendue. C'était une scène intime, presque insupportable à regarder. La douleur qui avait commencé à s'estomper est revenue, plus vive que jamais. Cela a renforcé sa résolution. Il devait partir, et vite.
Il a poussé la porte et est entré dans la pièce. Le bruit les a fait sursauter. Sophie s'est redressée, l'air agacé. Marc, lui, affichait un petit sourire suffisant.
« Qu'est-ce que tu veux, Alex ? » a demandé Sophie, sur un ton sec.
Alexandre a ignoré Marc et a fixé Sophie.
« C'est nouveau, ça. Tu partages tes secrets professionnels avec les clients, maintenant ? »
Sophie a haussé un sourcil.
« Marc était curieux. Et puis, ce n'est pas comme si je lui apprenais à construire une bombe. C'est juste un pistolet. »
« Notre règle est de ne jamais impliquer les clients dans nos méthodes. Jamais. »
Sophie a souri, un sourire condescendant qui a mis Alexandre hors de lui.
« Oh, allez, Alex. Détends-toi. Ce n'est pas la même chose. C'est un homme. »
« Un homme ? »
La phrase a résonné dans la tête d'Alexandre, absurde et cruelle.
« Et moi, je suis quoi ? Tu te souviens quand j'ai voulu te montrer comment désamorcer ce nouveau type d'explosif, la semaine dernière ? Tu m'as dit de ne pas t'embêter avec des "détails de mecs". Mais pour lui, soudainement, ça ne pose plus de problème ? »
Son ton était glacial, accusateur. Il voyait bien qu'il avait touché un point sensible. Le visage de Sophie s'est durci.
« Ce n'est pas comparable. »
« Ah non ? Et pourquoi ? Parce qu'il est riche et charmant ? Parce qu'il te plaît ? Tu mets notre sécurité et celle de la mission en danger pour un flirt, Sophie. C'est indigne d'une professionnelle. »
La vérité de ses paroles l'a frappée de plein fouet. Furieuse, Sophie s'est levée et s'est approchée de lui. Elle a attrapé son bras, ses doigts s'enfonçant dans sa chair.
« Retire ce que tu viens de dire. »
Sa voix était un murmure menaçant. Alexandre a senti une vague de dégoût le submerger. Il a violemment arraché son bras de sa prise.
« Ne me touche pas. »
Son rejet l'a surprise. Jamais il ne l'avait repoussée. Jamais. Son visage s'est décomposé, passant de la colère à une sorte de mépris glacial.
Elle a fait un pas en arrière et l'a toisé de la tête aux pieds, un rictus mauvais sur les lèvres.
« Tu sais quel est ton problème, Alex ? Tu n'es pas un homme. Pas un vrai. Tu es un garde du corps, un chien de garde loyal. Tu obéis, tu protèges, mais tu ne désires rien. Tu n'as pas de couilles. C'est pour ça que tu ne comprendras jamais. »
Chaque mot était une insulte, une humiliation publique devant l'homme qu'elle désirait. Alexandre a senti le sol se dérober sous ses pieds. Sa tête tournait. Il n'a rien trouvé à répondre. La blessure était trop profonde, trop violente. Il était paralysé par la douleur.
Voyant son silence, Sophie a eu un geste de dédain. Elle l'a attrapé par le col de sa chemise et l'a traîné sans ménagement hors du salon.
« Sors d'ici. Tu nous déranges. »
Elle l'a poussé dans le couloir et a claqué la porte derrière lui. Le bruit a résonné comme un coup de feu, marquant la fin définitive de leur relation. Il est resté là, immobile, le dos contre le mur froid, essayant de reprendre son souffle.
Quelques instants plus tard, la porte s'est rouverte. Ce n'était pas Sophie, mais Marc. Il se tenait sur le seuil, l'air faussement désolé.
« Ça va ? Elle peut être un peu... intense, parfois. »
Alexandre l'a regardé. Il a vu le visage lisse et parfait de Marc, ses vêtements chers, son sourire calculé. Il s'est vu lui-même, avec ses cicatrices, ses mains calleuses, son regard fatigué. Il a compris pourquoi Sophie ne l'avait jamais désiré. Il n'était pas comme Marc. Il n'était pas ce genre d'homme. Il était juste un soldat, un outil. La prise de conscience était amère.
« Ne vous inquiétez pas pour elle, » a continué Marc d'un ton léger. « Elle a juste besoin de se calmer. Vous devriez peut-être lui laisser un peu d'espace. »
Le conseil était si absurde, si déplacé, qu'Alexandre a failli éclater de rire. Un rire amer et sans joie. Laisser de l'espace à la femme qui venait de détruire son cœur en mille morceaux. C'était une ironie cruelle.