L'opération s'est bien passée. Rupture d'un kyste ovarien. Le chirurgien m'a dit que j'avais eu de la chance d'appeler à temps.
Je me suis réveillée dans une chambre d'hôpital blanche et impersonnelle. La douleur était là, sourde, mais maîtrisée par les médicaments.
Sophie, ma meilleure amie et collègue, était assise à côté de mon lit. Elle m'a tendu un verre d'eau avec une paille.
« Comment tu te sens ? » m'a-t-elle demandé doucement.
« Comme si un camion m'était passé dessus. Mais vivante. »
Elle m'a raconté comment elle avait appris la nouvelle, comment elle avait essayé de joindre Marc sans succès. Bien sûr.
Les jours suivants ont été un mélange de lente récupération, de plateaux-repas insipides et de conversations apaisantes avec Sophie. J'avais demandé à l'accueil de l'hôpital de ne laisser entrer personne d'autre, surtout pas Marc ou sa famille.
Un après-midi, alors que je m'ennuyais, j'ai pris mon téléphone pour parcourir les réseaux sociaux. C'est là que je l'ai vu.
Un post public sur le mur de Marc.
Il n'y avait pas mon nom, mais c'était sans équivoque.
« Parfois, on pense connaître quelqu'un, mais on découvre qu'elle est juste une croqueuse de diamants hystérique et manipulatrice. Heureusement, je m'en suis rendu compte à temps. Bon débarras. #liberté #nouveaudépart »
Le choc m'a coupé le souffle. Il osait ? Alors que j'étais sur un lit d'hôpital à cause de sa négligence ?
La colère a monté en moi, chaude et puissante.
Les commentaires sous son post étaient un mélange de soutien aveugle de ses amis et de messages de femmes qui le trouvaient « courageux » de partager son « histoire ».
Mon doigt a tremblé au-dessus de l'écran. Comment pouvait-il être aussi vil ?
Puis, un détail a attiré mon attention. Dans les commentaires, un de ses amis avait écrit : « Courage mec, tu vaux mieux qu'une petite avocate qui se croit tout permis. »
« Petite avocate. »
C'était le surnom condescendant qu'il me donnait en privé. Jamais en public. C'était la preuve. La signature de sa lâcheté.
Je n'ai pas hésité une seconde.
J'ai fait une capture d'écran du post et du commentaire. Je lui ai envoyé par message.
Je n'ai ajouté qu'une seule phrase.
« Pendant que ta 'petite avocate' se faisait opérer d'urgence après que tu l'aies laissée agoniser sur le sol. »
Sa réponse a été quasi instantanée. Un flot de messages paniqués.
« Jeanne, ce n'est pas ce que tu crois. »
« C'est une blague, on s'amusait avec des potes. »
« Efface ça tout de suite. »
Puis, la menace.
« Si tu fais un scandale, tu le regretteras. »
Trop tard. La Jeanne naïve et amoureuse était morte dans l'ambulance. La Jeanne avocate, elle, était bien vivante.
Je suis retournée sur son post. J'ai ignoré ses messages privés.
Dans la section des commentaires, j'ai publié ma propre réponse, visible par tous.
J'ai posté la photo de mon bracelet d'hôpital, avec mon nom et la date.
Et j'ai écrit : « Merci pour ton soutien indéfectible pendant que j'étais au bloc opératoire, Marc. Ton timing pour ce 'nouveau départ' est, comme toujours, impeccable. Quant à l'hystérie, on en reparlera quand tu recevras la facture pour ton téléphone que tu as cassé en refusant de m'aider. #justice #vérité »
J'ai ensuite bloqué son numéro, son profil, tout.
J'ai posé le téléphone sur la table de chevet. J'ai respiré profondément.
Le combat ne faisait que commencer.