J'ai regardé la boîte en fer blanc. Elle contenait des milliers d'euros. Le fruit de mon labeur acharné. L'argent qui devait racheter son passé. Maintenant, cet argent symbolisait ma liberté. Ma porte de sortie. Je l'ai prise, son poids dans mes mains était à la fois lourd et libérateur.
Mes mains. Je les ai encore regardées. Ces mains qu'il trouvait si repoussantes. Elles n'étaient pas belles, c'est vrai. Mais elles étaient fortes. Elles avaient travaillé dur. Elles m'avaient permis de survivre. Et elles n'allaient plus jamais travailler pour lui.
Je suis retournée à notre petit appartement, celui que nous avions loué au-dessus de la boutique. L'endroit m'a semblé étranger, sordide. Chaque objet était une piqûre de rappel. Le canapé bon marché sur lequel il s'était effondré le premier soir. La table de cuisine bancale que j'avais trouvée dans une brocante. Les quelques cadres que j'avais mis au mur pour essayer de rendre l'endroit plus chaleureux. Tout sonnait faux.
J'ai ouvert le placard de la chambre. D'un côté, mes vêtements simples, pratiques, souvent tachés de terre ou de pollen. De l'autre, ses costumes, toujours impeccables, qu'il prétendait ne plus pouvoir porter mais qu'il gardait "au cas où". Un mensonge de plus. Tout n'était que mensonge. J'ai sorti un vieux sac de voyage et j'ai commencé à y jeter mes affaires, sans soin.
Mon regard est tombé sur le lit. Combien de nuits avait-il dormi à côté de moi, son souffle régulier sur ma nuque, après m'avoir juré son amour éternel ? Combien de fois m'avait-il prise dans ses bras en me disant que j'étais son salut, sa seule raison de tenir ? Chaque souvenir était maintenant empoisonné. Sa tendresse était une performance. Ses baisers, une tromperie. Chaque contact, une manipulation. La honte m'a submergée, une vague brûlante. J'avais partagé mon corps et mon âme avec un monstre.
J'ai réalisé avec une horreur glaciale que je n'avais plus rien. Ma carrière était en ruines. Reprendre la danse à mon niveau après une si longue pause serait presque impossible. Mes économies étaient dans cette boîte, mais elles ne pourraient jamais compenser ce que j'avais perdu. Mes amis du monde de la danse s'étaient éloignés, fatigués de mes refus constants de les voir. J'étais seule. Et l'amour, ce grand amour pour lequel j'avais tout sacrifié, n'avait jamais existé. C'était une illusion, un décor de théâtre monté pour son amusement personnel.
Je me suis assise sur le bord du lit défait. Le silence de l'appartement était complet. Je n'avais plus de carrière, plus d'argent, plus d'amis, et surtout, plus d'amour. J'étais une coquille vide. Il m'avait tout pris, jusqu'à ma propre estime. Il ne m'avait pas seulement ruinée financièrement, il m'avait anéantie. Dans cette petite pièce sans âme, j'ai touché le fond. Il n'y avait plus rien en dessous.