Le Pari Cruel: Chute d'un Amant
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Chapitre 2

Je suis restée figée, le téléphone collé à mon oreille. Le rire d'Antoine résonnait, amplifié par le silence de ma boutique. C'était bien lui. Il n'y avait aucun doute possible. La même voix qui me murmurait des mots d'amour le soir, la même voix qui me remerciait avec une fausse humilité pour chaque sacrifice. Maintenant, cette voix était une arme qui me transperçait.

Une voix de femme, aiguë et maniérée, s'est jointe à la conversation.

« Oh, mon Dieu, Antoine, tu es terrible ! Mais ses mains, tu as vu ses mains ? On dirait des mains de paysanne. Comment tu fais pour la toucher ? »

C'était Chloé. Une de ses "amies" du monde d'avant, une fille que j'avais croisée une ou deux fois et qui m'avait toujours regardée de haut.

Antoine a éclaté de rire. Un rire franc, sans la moindre retenue.

« Je ferme les yeux, ma chérie. Je ferme les yeux et je pense à toi. Ou je pense à l'argent que son petit commerce minable me rapporte. Ça aide. »

Les mots étaient comme des gifles. Mes mains. J'ai baissé les yeux vers mes propres mains. Elles étaient rouges, avec de petites coupures causées par les épines des roses et des traces de terre sous les ongles que je n'arrivais jamais à faire partir complètement. J'en avais eu honte parfois, mais je me disais que c'était le prix à payer pour notre bonheur. Maintenant, je comprenais qu'elles n'étaient pour lui qu'un sujet de moquerie, un symbole de ma déchéance.

Cédric a renchéri, la voix pâteuse à cause de l'alcool.

« Et le meilleur, c'est le pari. Tu vas le gagner haut la main. Transformer une danseuse étoile en prolo qui vend des bouquets à dix euros, personne n'y croyait. »

Un pari. Ma vie, mon sacrifice, ma carrière brisée... tout ça pour un stupide pari. La nausée est remontée dans ma gorge, acide et brûlante. J'ai dû m'appuyer contre le comptoir pour ne pas tomber. L'air me manquait. Chaque fleur autour de moi semblait se faner, chaque pétale représentait une de mes illusions détruites.

Antoine a continué, sa voix se faisant plus conspiratrice, plus excitée.

« Le plan était parfait. J'ai juste un peu exagéré les pertes de la boîte. En réalité, j'ai mis la plupart des actifs à l'abri. Cet argent, je l'ai. Mais c'était tellement plus amusant de jouer au pauvre type. De la voir se démener pour moi, abandonner ses rêves... Il n'y a rien de plus excitant que de voir jusqu'où une femme est prête à aller par amour. Elle m'a tout donné. Tout. Et maintenant, je vais pouvoir récupérer mon argent et la laisser dans sa boutique de merde. »

La vérité m'a frappée avec la violence d'un poing en pleine figure. Il n'avait jamais été ruiné. Il n'avait jamais eu besoin de moi, de mon argent, de mon sacrifice. Il m'avait utilisée. Il m'avait manipulée pour son propre divertissement, pour nourrir son ego monstrueux. Chaque mot de réconfort que je lui avais dit, chaque heure de sommeil que j'avais perdue, chaque goutte de sueur que j'avais versée pour lui... tout était une farce. Une immense, cruelle, et humiliante farce.

J'ai regardé autour de moi, dans cette petite boutique que j'avais appris à aimer, que je considérais comme notre refuge. Ce n'était pas un refuge. C'était ma prison. Une prison que j'avais construite de mes propres mains, avec mon propre argent, par amour pour mon geôlier.

La douleur était si intense qu'elle en devenait physique. Une pression écrasante sur ma poitrine. Les applaudissements du public, la lumière des projecteurs, la sensation du parquet sous mes pieds... J'ai tout abandonné. J'ai échangé ma passion, mon art, mon identité contre une vie de mensonges et d'humiliation. Pour un homme qui me méprisait, qui riait de moi dans mon dos avec ses amis.

J'ai coupé la diffusion en direct. Le silence est retombé, lourd, assourdissant. J'étais seule avec la vérité. Une vérité si laide, si tordue, qu'elle me dégoûtait. Et le pire, c'était le regret. Le regret écrasant de ma propre naïveté. Comment avais-je pu être si aveugle ? Comment avais-je pu croire à ses mensonges si facilement ? L'amour m'avait rendue stupide. Et il s'en était servi.

            
            

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