Mon père se tenait au-dessus de moi, le souffle court de rage. Clara s'est accrochée à son bras, le visage caché contre son épaule, jouant parfaitement son rôle de victime innocente.
« As-tu perdu la tête, Adèle ? » a-t-il grondé, sa voix résonnant comme le tonnerre. « Humilier ta sœur devant tout le monde ! Citer des lois ridicules ! Pour une simple robe ! »
Il n'avait rien entendu des détails, rien compris de l'enjeu. Il n'avait vu que moi, sa fille légitime, en train de "maltraiter" sa précieuse Clara.
Je me suis redressée lentement, la main sur ma joue endolorie. La douleur physique n'était rien comparée à la douleur de cette injustice flagrante. C'était la même chose, encore et toujours. Sa préférence aveugle pour elle.
« Ce n'est pas "une simple robe", » ai-je dit, ma voix tremblante de colère contenue. « C'est mon travail. C'est mon avenir. Et elle l'a volé. »
« Assez ! » a-t-il hurlé. « Je ne veux plus entendre tes mensonges et tes jalousies ! Clara est ta sœur, tu lui dois le respect ! »
« Elle n'est pas ma sœur ! » ai-je crié, la rage l'emportant sur la prudence. « Je suis votre seule fille légitime ! Héritière de votre nom et de votre fortune ! Et vous, vous la protégez, elle, le fruit de votre déshonneur ! Vous me trahissez pour elle ! »
Mes mots l'ont frappé en plein cœur. Son visage est devenu pourpre. La mention de sa liaison passée, de l'origine de Clara, était un tabou absolu.
Au lieu de réaliser la vérité de mes paroles, sa fureur a décuplé. Il a regardé autour de lui, les décorations somptueuses, les invités figés, la fête qu'il avait organisée pour renforcer ses alliances politiques.
« Tu as tout gâché, » a-t-il sifflé, les yeux fous de rage. « Tu as ruiné cette soirée avec ton caprice. Très bien. »
Il s'est tourné vers les gardes, qui étaient pétrifiés.
« Puisqu'Adèle a décidé de gâcher la fête, il n'y aura pas de fête ! Arrachez toutes ces décorations ! Jetez ces fleurs ! Cassez tout ! Je ne veux plus rien voir ! »
Ce fut le chaos. Sur l'ordre du Duc, les gardes et certains serviteurs zélés ont commencé à détruire le travail de plusieurs semaines. Les guirlandes de fleurs ont été arrachées, les tables renversées, la vaisselle de prix brisée sur le sol. Les invités se sont enfuis en criant, choqués par cette démonstration de fureur brute.
Je suis restée là, au milieu de la destruction, mon cœur se brisant en même temps que la porcelaine. Toute ma préparation, tous mes efforts pour que cette soirée soit une vitrine de mon talent, tout était réduit à néant par la colère de mon propre père.
Clara, toujours accrochée à son bras, jetait des regards triomphants par-dessus son épaule. Elle avait gagné. Elle avait réussi à me faire passer pour la coupable et à retourner mon père contre moi de la manière la plus destructrice qui soit.
Quand le saccage a pris fin, le grand hall n'était plus qu'un champ de ruines. Mon père s'est de nouveau tourné vers moi, son regard dur comme la pierre.
« Toi, » a-t-il dit d'une voix glaciale. « Tu es consignée dans ta chambre jusqu'à ce que je décide de ton sort. Et demain matin, à la première heure, tu iras présenter tes excuses à Clara. À genoux, s'il le faut. »
Il ne me laissait aucune issue, aucune dignité. J'étais seule, blessée, humiliée, et piégée.
Alors qu'il commençait à s'éloigner, entraînant Clara avec lui, une voix calme mais chargée d'une autorité incontestable s'est élevée depuis le haut des marches, là où mon père se tenait quelques minutes plus tôt.
« Je ne crois pas, non. »
Tous les regards se sont levés. Mon grand-père, le vieux Duc régnant, se tenait là. Il avait tout vu, tout entendu. Et son visage était une tempête silencieuse.