J'avais cherché son regard dans la salle d'audience, espérant une lueur de l'homme que j'avais cru aimer. Mais son visage était de marbre. Il avait témoigné contre moi, racontant des mensonges qui me condamnaient, scellant mon destin pour que Clara puisse prendre ma place. Il n'avait montré aucune pitié.
Ce souvenir a ravivé la flamme de ma haine. Je ne ressentais plus aucune peur, seulement une rage froide et déterminée.
Ma main a bougé avant même que j'aie eu le temps de réfléchir. Je l'ai giflé. Fort. Le son a claqué dans le silence du couloir.
Antoine a porté la main à sa joue, stupéfait. Clara a poussé un petit cri.
« Ne me menace jamais, Antoine, » ai-je dit, ma voix basse et dangereuse. « Surtout pas avec un mariage que je ne désire plus. »
Je l'ai regardé de haut en bas avec un dédain non dissimulé.
« Ta famille a peut-être acheté son titre il y a deux générations, mais vous resterez toujours des parvenus. Tu penses que ton nom a de la valeur ? C'est le nom de ma famille, les Duval, qui te donne une once de légitimité dans la haute société. Sans moi, tu n'es rien. »
Le choc sur son visage s'est transformé en fureur. Il a levé la main pour me frapper à son tour, mais je ne l'ai pas laissé faire. J'ai attrapé son poignet et l'ai serré avec une force surprenante.
« N'y pense même pas. »
Je l'ai repoussé et je me suis tournée vers les gardes du manoir qui commençaient à s'attrouper, attirés par le bruit. Ma voix a résonné, claire et autoritaire.
« Clara Dubois, fille illégitime du Duc Duval, a volé une création destinée à la famille Lambert. Elle a tenté de se faire passer pour la créatrice et de porter cette robe au bal de l'Opéra ce soir. »
J'ai fait une pause, laissant le poids de mes paroles s'installer.
« Selon l'édit royal de 1782 sur la protection des artisans et des guildes, le vol de propriété intellectuelle et l'usurpation d'identité pour un gain social sont considérés comme des crimes graves. La peine encourue est le bannissement public et une amende considérable. »
C'était une vieille loi dont peu de gens se souvenaient, une loi que j'avais découverte dans les livres de mon grand-père, un juriste respecté. Je l'avais apprise par cœur en préparant ma défense dans ma vie passée, mais je n'avais jamais eu l'occasion de l'utiliser.
Le silence est tombé. Les serviteurs et les invités qui s'étaient rassemblés se sont regardés, mal à l'aise. Personne ne connaissait cette loi en détail, mais le simple fait que j'aie pu citer un édit royal avec une telle assurance a changé la dynamique. Ce n'était plus une simple dispute de famille. C'était une affaire légale.
Antoine a blêmi. Il était opportuniste, mais aussi lâche. L'idée d'un scandale juridique le terrifiait.
Clara, en revanche, était complètement perdue. Elle regardait autour d'elle, cherchant du soutien, mais tous les regards la fuyaient. Personne ne voulait être impliqué dans un crime contre la Couronne.
« Gardes, » ai-je ordonné d'une voix de commandement. « Reprenez cette robe et escortez Mademoiselle Dubois dans ses appartements. Elle ne quittera pas sa chambre jusqu'à nouvel ordre. »
Les gardes ont hésité un instant, regardant vers Antoine, puis vers moi. Mais j'étais la fille légitime du Duc. Mon autorité, à ce moment précis, était supérieure.
Ils se sont avancés vers Clara. Elle a paniqué, se débattant.
« Non ! Ne me touchez pas ! Père ! Au secours ! »
J'allais savourer ma victoire, la première d'une longue série. J'allais la regarder se faire emmener, privée de son triomphe.
Mais alors qu'un garde posait la main sur son bras, une voix puissante a retenti depuis le grand escalier.
« Que se passe-t-il ici ? »
Je me suis figée. Je connaissais cette voix. C'était mon père. Le Duc Duval. Et dans ses yeux, j'ai vu non pas la justice, mais une colère dirigée uniquement contre moi. Le vrai cauchemar commençait.