L'Éveil d'une Âme Libre
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Chapitre 4

"Non ?"

Il a répété le mot comme s'il ne l'avait jamais entendu.

"Qu'est-ce que tu veux dire, non ?"

"Je veux dire non, Paul. Je ne vendrai pas la broche de ma grand-mère."

Ma voix était calme, mais ferme.

Quelque chose que je n'avais jamais osé faire avant.

Il m'a regardée avec une incrédulité totale.

"Mais... tu ne comprends pas. C'est important."

"C'est important pour toi et pour Sophie. Pas pour moi."

J'ai revécu en une seconde toutes les humiliations.

Le vernissage où il avait présenté une de mes idées de tableau comme étant la sienne, "inspirée par Sophie".

Les dîners où il ne me parlait que d'elle, de son génie, de sa sensibilité.

Les nuits où il rentrait tard, l'odeur de son parfum sur ses vêtements.

J'avais tout accepté.

J'avais tout pardonné.

Par amour.

Mais l'amour était mort.

Il était mort dans cette chambre d'hôpital, quand j'avais compris que j'étais seule.

"Après tout ce que j'ai fait pour toi ?" a-t-il crié, sa voix montant d'un cran.

"Ce que tu as fait pour moi ? Ou ce que j'ai fait pour toi, Paul ?"

Je me suis levée du lit.

Je me sentais étonnamment forte.

"Tu es égoïste, Jeanne. Tu as toujours été égoïste. Tu ne penses qu'à ta petite vie confortable, à ta petite sécurité."

Il crachait les mots, son visage déformé par la colère.

"Tu ne comprends rien à l'art, à la passion, au sacrifice !"

"Au contraire, Paul. Je comprends très bien le sacrifice. J'ai sacrifié dix ans de ma vie pour toi."

Il a fait un pas vers moi, menaçant.

"Ne dis pas ça."

"C'est la vérité. Et c'est terminé."

Il a eu un rire méprisant.

"Terminé ? Qu'est-ce qui est terminé ? Tu ne vas nulle part. Tu as besoin de moi."

"Non," ai-je répété, et ce simple mot semblait avoir un pouvoir immense.

"Je n'ai plus besoin de toi."

Sa colère a explosé.

Il a attrapé le plateau du petit-déjeuner et l'a jeté contre le mur.

La tasse s'est brisée en mille morceaux, le café a éclaboussé le papier peint.

"Très bien ! Fais ce que tu veux ! Reste dans ta petite vie misérable !"

Il a attrapé sa veste, a fourré son portefeuille dans sa poche.

"Je vais là où on m'apprécie. Là où on comprend ce que c'est que de créer !"

Il a claqué la porte de la chambre.

Quelques secondes plus tard, j'ai entendu la porte d'entrée claquer si fort que les murs ont tremblé.

Je suis restée immobile au milieu des débris.

Je n'ai pas pleuré.

Je me sentais vide, mais aussi... légère.

Je suis allée à la fenêtre.

Je l'ai vu sortir de l'immeuble, héler un taxi.

Il n'a pas regardé en arrière.

Je savais où il allait.

Chez Sophie.

Je suis restée à la fenêtre jusqu'à ce que le taxi disparaisse au coin de la rue.

Puis je me suis retournée.

J'ai regardé l'appartement, notre appartement.

Ce n'était plus chez moi.

Je suis allée dans mon petit atelier, la seule pièce qui m'appartenait vraiment.

J'ai sorti une valise de l'armoire.

Et j'ai commencé à faire mes bagages.

Je ne prenais pas grand-chose.

Mes vêtements. Mes pinceaux, mes couleurs, mes carnets de croquis.

La broche de ma grand-mère.

Je laissais tout le reste.

Je laissais sa vie, ses livres, son chaos.

Je laissais dix ans de ma vie derrière moi.

Je ne me retournais pas.

Plus jamais.

                         

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