Quand j'ai rouvert les yeux, j'étais dans mon lit. L'odeur d'antiseptique flottait dans l'air. Dehors, la nuit était tombée. J'ai entendu des voix étouffées dans le couloir, des pas pressés, puis le bruit d'une porte qui se ferme. Les médecins et les infirmiers privés de la famille étaient partis. Le chaos s'était calmé. Le silence qui a suivi était plus assourdissant que le bruit.
La porte de ma chambre s'est ouverte doucement. Louis Moreau est entré.
Il était impeccable, comme toujours. Son costume sur mesure gris anthracite tombait parfaitement sur ses épaules larges. Ses cheveux noirs étaient coiffés en arrière, et son visage, célèbre dans le monde entier, était une étude de contrôle et d'agacement contenu. Il n'y avait aucune trace d'inquiétude dans ses yeux, seulement de la contrariété.
Il s'est approché du lit et m'a regardée. J'étais pâle, mes cheveux collés à mon front par la sueur, une perfusion plantée dans mon bras.
« Les médecins disent que tu as perdu le bébé. »
Sa voix était neutre, factuelle. Comme s'il lisait un rapport boursier.
J'ai hoché la tête, incapable de parler. La gorge me brûlait.
« Un simple accident, apparemment. Ta négligence. Tu aurais dû faire plus attention dans les escaliers. »
Il a prononcé ces mots sans la moindre trace d'émotion. Il ne cherchait pas à savoir ce qui s'était passé. Il avait déjà son histoire, celle qui protégeait son fils, son nom. Marc lui avait sans doute raconté une version arrangée des faits, et Louis avait choisi de la croire. C'était plus simple.
Il a jeté un regard sur les draps tachés que les infirmières n'avaient pas encore changés. Un pli de dégoût a marqué le coin de ses lèvres. Il détestait le désordre, la maladie, tout ce qui n'était pas parfait et esthétique. J'étais devenue une chose laide et abîmée.
« Repose-toi, » a-t-il dit, son ton devenant faussement doux. « Ne t'inquiète de rien. On s'occupera de tout. Je vais faire une déclaration à la presse demain matin pour annoncer cette triste nouvelle. »
Il pensait déjà à l'image publique, aux apparences à sauver. Mon enfant perdu n'était qu'un contretemps dans sa vie parfaitement orchestrée.
Alors qu'il se tournait pour partir, une pensée m'a traversé l'esprit, claire et froide comme la glace. Dix ans. J'avais passé dix ans de ma vie dans cette prison dorée. Dix ans à élever son fils, à gérer sa maison, à jouer le rôle de l'épouse parfaite lors de ses soirées mondaines. Dix ans à mettre mes propres rêves de côté. J'avais été une styliste prometteuse avant de l'épouser. J'avais du talent. Il avait tout étouffé, me réduisant à une simple décoration, un accessoire de sa réussite. Et pour quoi ? Pour ce moment précis. Pour être blâmée pour la perte de mon propre enfant, causée par la cruauté de son fils.