Les Années 80, Mon Retour
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Chapitre 3

Un après-midi, pendant la pause déjeuner à la cantine de l'usine, je cherchais une place quand Liliane, qui passait avec son plateau, a trébuché. Son assiette de bœuf bourguignon s'est renversée en plein sur ma blouse blanche.

« Oh mon Dieu, je suis tellement désolée ! » s'est-elle exclamée, le visage rouge de confusion.

Tout le monde s'est tourné vers nous.

« Ce n'est rien, ça arrive », ai-je répondu en essayant d'éponger la sauce avec une serviette en papier, sans grand succès.

« Non, vraiment, je suis confuse. Ta blouse est fichue. Attends, j'ai une idée. »

Elle m'a entraînée vers les vestiaires. Elle a ouvert son casier et en a sorti une jolie robe à fleurs.

« Tiens, mets ça pour le reste de la journée. Je te la donne, ne t'inquiète pas. C'est la moindre des choses. »

J'ai hésité, mais elle a insisté avec une telle sincérité que j'ai fini par accepter. J'ai enfilé la robe. Elle m'allait plutôt bien.

À la fin de la journée, alors que je sortais de l'usine, j'ai entendu une voix m'appeler.

« Jeanne ! »

C'était Marc. C'était la première fois qu'il m'adressait la parole depuis son retour. Mon cœur a eu un soubresaut stupide, une réaction instinctive que j'ai immédiatement détestée. J'ai lissé ma robe, un geste mécanique.

Il s'est approché, le visage dur, les yeux plissés.

« Qu'est-ce que tu fais avec cette robe ? » a-t-il demandé d'un ton glacial.

J'ai été prise au dépourvu.

« C'est... Liliane me l'a prêtée. J'ai eu un accident à la cantine. »

Il a éclaté d'un rire méprisant.

« Ne me prends pas pour un idiot. Je sais très bien ce que tu manigances. Tu es jalouse, alors tu essaies de lui ressembler, c'est ça ? Tu as volé sa robe ? »

Les mots m'ont frappée en plein visage. Volé ? Il pensait que j'étais une voleuse ?

« Mais non, je te jure que... »

« Arrête ! Je te connais, Jeanne. Je sais comment tu es. Tu as toujours été comme ça, à vouloir ce que tu ne peux pas avoir. »

Sa voix était pleine de dégoût. Il parlait de moi comme si j'étais la pire des créatures. Le fait qu'il dise "je te connais" a ajouté une couche d'amertume insupportable. Le "toi" qu'il connaissait, c'était la femme dévouée de sa vie passée, et c'est cette femme qu'il accusait maintenant des pires bassesses. La douleur a laissé place à une colère froide.

Au même moment, Liliane est sortie de l'usine.

« Marc ! Ah, Jeanne, tu es là. La robe te va très bien ! »

Elle s'est tournée vers Marc, souriante.

« C'est moi qui lui ai donnée. J'ai ruiné sa blouse ce midi, tu te rends compte ? J'étais si maladroite. »

Le visage de Marc a changé instantanément. La dureté a disparu, remplacée par un embarras visible. Il a passé une main dans ses cheveux, l'air contrit.

« Ah, d'accord. Je... je vois. »

Il s'est tourné vers moi avec un petit sourire forcé.

« Dans ce cas, excuse-moi. J'ai cru... enfin, peu importe. Il n'y a pas de mal. »

"Il n'y a pas de mal." Cette phrase a résonné dans ma tête. Le mépris, les accusations, la cruauté... tout ça était balayé d'un revers de main parce que Liliane était là. J'ai senti un rire amer monter dans ma gorge. C'était tellement absurde, tellement pathétique.

Je n'ai rien dit. Je l'ai regardé, lui et Liliane qui lui prenait le bras, puis j'ai simplement tourné les talons et je suis partie, les laissant derrière moi. Je ne voulais pas de ses excuses. Je ne voulais plus rien de lui. Cette scène venait de détruire les derniers vestiges de respect que je pouvais avoir pour l'homme qu'il était devenu.

Un mois plus tard, la nouvelle était officielle : Marc et Liliane étaient fiancés. L'usine ne parlait que de ça. On disait qu'il lui avait offert une bague magnifique, qu'ils allaient acheter une maison en ville. Je les croisais parfois, main dans la main, riant aux éclats. Ça ne me faisait plus rien. C'était comme regarder un film avec des acteurs que je ne connaissais pas.

Mon attention était ailleurs. L'usine organisait son spectacle annuel, avec à la clé une sélection pour représenter l'entreprise au grand gala régional. Dans ma vie précédente, j'y avais participé. J'avais joué de la guitare, un talent que ma mère m'avait transmis. Mais en plein milieu de ma performance, une corde avait cassé. J'avais paniqué et j'avais quitté la scène en larmes. C'était un de mes plus grands regrets.

Cette fois, ce serait différent. Je ne laisserai pas le passé se répéter. Je me suis inscrite au concours. Je me suis entraînée tous les soirs, jusqu'à ce que mes doigts me fassent mal. Cette performance, ce n'était plus seulement un spectacle. C'était ma déclaration d'indépendance. C'était ma chance de me prouver, à moi-même, que je n'étais pas l'ombre de quelqu'un d'autre. J'étais Jeanne Dubois, et j'allais enfin faire entendre ma propre musique.

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