Les Années 80, Mon Retour
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Chapitre 2

Le silence qui a suivi la déclaration de Marc a duré une seconde, puis la place a explosé en acclamations et en sifflets. Les amis de Liliane la poussaient en riant, tandis qu'elle rougissait, portant une main à sa bouche dans un geste de surprise et de plaisir.

« Vas-y, Lili, dis oui ! »

« Quel romantisme ! Comme dans les films ! »

Chaque mot, chaque rire était un son assourdissant qui me transperçait. Je restais là, immobile, au milieu de la foule joyeuse, complètement invisible. Mon corps était lourd, comme si mes pieds s'étaient enracinés dans le béton. Je voyais Marc sourire à Liliane, un sourire éclatant et sincère, un sourire que je ne lui avais jamais vu.

Je ne pouvais plus respirer. La douleur était si vive, si physique, que j'ai cru que j'allais m'effondrer. J'ai fait demi-tour, me frayant un chemin à contre-courant de la foule qui se pressait autour d'eux. Personne ne m'a remarquée. Je suis rentrée chez moi en courant, les larmes brouillant ma vue.

J'ai claqué la porte de ma chambre et je me suis jetée sur mon lit, le visage enfoui dans mon oreiller pour étouffer mes sanglots.

« Jeanne ? Qu'est-ce qui se passe ? »

Ma mère a frappé doucement à la porte.

Je n'ai pas répondu. Je ne pouvais pas. Quels mots aurais-je pu utiliser pour décrire cette trahison qui transcendait le temps lui-même ?

Elle a insisté un peu, puis, comprenant que je voulais être seule, elle a dit :

« Je te laisse un peu de soupe sur la table si tu as faim. »

Sa gentillesse n'a fait qu'amplifier ma peine.

Dans l'obscurité de ma chambre, les souvenirs de ma vie passée ont refait surface, mais cette fois, ils étaient éclairés d'une lumière crue et horrible. J'ai commencé à repenser à chaque étape importante de notre vie commune.

Notre mariage. Marc m'avait demandée en mariage très soudainement. Je me souvenais avoir été surprise, mais folle de joie. Maintenant, en y repensant, je réalisais que sa demande avait eu lieu une semaine après que Liliane, dans cette vie-là, avait épousé un autre homme et quitté la région. Marc avait eu le cœur brisé, et il s'était rabattu sur moi, la fille simple et dévouée qui l'avait toujours admiré de loin.

Nos enfants. Nous en avions parlé vaguement, mais un soir, il était rentré à la maison, l'air déterminé. « Jeanne, je veux un enfant. Maintenant. » J'avais été si heureuse. Mais cette urgence... elle coïncidait avec la naissance du premier enfant de Liliane, dont nous avions reçu des nouvelles par une connaissance commune. Il ne voulait pas un enfant avec moi. Il voulait ce que Liliane avait.

Chaque décision, chaque tournant de notre vie à deux... tout était une réaction à la vie de Liliane. Je n'étais qu'un substitut, une copie pâle de la femme qu'il avait toujours désirée. Sa promesse sur son lit de mort, « je ferai tout mieux », ne m'était pas destinée. Il voulait recommencer sa vie pour conquérir Liliane, pour réparer son propre regret, pas pour me rendre heureuse.

Cette prise de conscience a été plus douloureuse que la scène sur la place. Cinquante ans de ma vie, cinquante ans de dévouement et d'amour, n'étaient qu'un mensonge. Une illusion que j'avais moi-même entretenue. J'ai pleuré jusqu'à ne plus avoir de larmes, jusqu'à ce que ma gorge soit sèche et que ma tête me fasse mal. J'ai pleuré pour la jeune fille naïve que j'étais, et pour la vieille femme qui était morte en croyant à un amour qui n'avait jamais existé.

Finalement, épuisée, je me suis endormie. Quand je me suis réveillée, la lumière du matin filtrait à travers les rideaux. Le silence régnait dans la maison. Je me suis levée, le corps endolori. J'ai entendu ma mère s'affairer dans la cuisine. Je ne pouvais pas la laisser s'inquiéter davantage. Pour elle, je devais me ressaisir.

Les jours suivants, l'histoire de Marc et Liliane était sur toutes les lèvres à l'usine.

« Tu as vu ? Il lui a offert une montre suisse ! Ça a dû coûter une fortune ! »

« Et il l'emmène au restaurant en ville tous les week-ends. »

J'écoutais en silence, le cœur serré. Marc, qui dans notre vie passée, comptait chaque centime. Marc, qui m'avait offert pour nos vingt ans de mariage un robot de cuisine parce que c'était "plus pratique" qu'un bijou. Le contraste était brutal.

Une de mes collègues, Sandrine, m'a dit, sans méchanceté :

« C'est fou comme il est romantique. On ne l'aurait jamais cru capable de ça. Il a toujours eu l'air si sérieux, si réservé. »

Je me suis forcée à sourire.

Mes collègues ne pouvaient pas savoir. Ils ne pouvaient pas comprendre que ce n'était pas qu'il ne savait pas être romantique. C'était juste qu'il n'avait jamais voulu l'être avec moi.

Cette pensée a été la dernière étincelle d'espoir qui s'est éteinte en moi. Il n'y avait plus rien à sauver, plus rien à espérer. Le Marc que j'avais aimé n'avait peut-être jamais existé.

Peu à peu, les discussions se sont calmées. La nouveauté s'est estompée. Marc et Liliane sont devenus un couple comme les autres. Et moi, j'ai commencé à me concentrer sur ma propre vie. Le passé était mort et enterré. Il était temps pour moi de penser à mon avenir.

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