La tasse en porcelaine blanche était chaude entre mes mains, et la vapeur qui s'en échappait sentait les herbes et le miel, une odeur douce et rassurante. Pourtant, en la regardant, un frisson glacial a parcouru mon corps, une sensation de danger si intense qu'elle m'a coupé le souffle. Mes doigts se sont crispés sur la porcelaine. Je savais ce qu'il y avait dans cette tasse. Je savais ce qui allait se passer si je la buvais.
Parce que je venais de revivre ce moment.
Une seconde auparavant, j'étais une âme perdue, flottant dans le vide après une mort misérable et solitaire. Et maintenant, je suis de retour. Ici, dans le salon, la veille du concours qui avait détruit ma vie.
Mes yeux se sont fixés sur ma tante, puis sur ma cousine Léa, assise sur le canapé, qui évitait mon regard en faisant semblant de regarder son téléphone. La panique et l'espoir se sont mélangés dans ma poitrine, c'était un chaos assourdissant. J'ai une seconde chance. Le destin m'a donné une seconde chance de tout changer.
Dans ma vie précédente, j'ai bu cette tisane. J'avais confiance en ma tante, la sœur de ma mère. Je la voyais comme une seconde mère, toujours pleine de conseils et d'attentions. Je n'avais jamais vu la jalousie noire qui se cachait derrière son sourire. J'ai bu la potion, et mon monde a basculé.
Je me suis réveillée non pas dans mon lit, mais dans une ruelle sombre et humide, piégée dans le corps d'un petit chat errant. C'était Mistigri, le chat que je nourrissais parfois près de chez moi. Mon esprit était prisonnier de ce petit corps félin, incapable de parler, incapable de crier, incapable de dire à qui que ce soit la vérité.
J'ai vu ma propre vie m'être volée. J'ai vu ma cousine Léa, habitant mon corps, marcher avec ma démarche, parler avec ma voix. Elle a passé le concours à ma place, un concours prestigieux pour entrer dans la meilleure université du pays, un concours pour lequel j'avais étudié pendant des années. Avec mon corps et mon esprit, elle aurait dû réussir brillamment, assurant son avenir et la fierté de sa mère.
Mais le plan de ma tante était imparfait. Elle voulait échanger mon âme avec celle de Léa, pour que sa fille paresseuse puisse profiter de mon intelligence. Mais elle ne s'attendait pas à ce que l'âme de Mistigri, le chat, prenne la place laissée vacante dans le corps de Léa.
Le jour du concours, j'étais là, sous la forme d'un chat, regardant impuissante. J'ai vu Léa, dans mon corps, entrer avec assurance dans la salle d'examen. Mais j'ai aussi vu ce qui était censé être Léa – son corps habité par l'esprit confus et terrifié de Mistigri. Elle a semé la panique, griffant les surveillants, sautant sur les tables, miaulant de détresse. C'était un désastre.
Le scandale a été énorme, mais la vérité n'a jamais éclaté. Ma tante a réussi à faire passer Léa (habitée par le chat) pour une jeune femme mentalement instable, une crise de folie soudaine. Et Léa, dans mon corps, a réussi le concours avec brio. Elle a pris ma place, mes rêves, mon avenir.
Mes propres parents, aveuglés par la honte et manipulés par les mensonges de ma tante, ont cru à l'histoire d'une crise de jalousie de ma part. Ils ont cru que j'avais disparu volontairement pour saboter ma cousine. Quand j'ai essayé de m'approcher d'eux, sous la forme d'un chat, ils m'ont chassée à coups de pied.
« Sale bête ! »
Mon père avait crié, le visage déformé par la colère et la déception.
J'ai vécu et je suis morte comme un chat errant, seule, écrasée par une voiture quelques mois plus tard. Ma dernière pensée a été pour mes parents, pour la trahison qui m'avait tout pris.
Et maintenant, je suis là. La tasse est toujours dans mes mains. La chaleur de la porcelaine est réelle. Le sourire de ma tante est faux. La nervosité de Léa est palpable.
Cette fois, les choses seront différentes. Je ne serai plus la victime naïve. Je ne finirai pas dans une ruelle froide. Cette fois, c'est leur plan qui sera détruit. C'est leur vraie nature qui sera exposée à tous. Je vais reprendre ma vie, et je vais leur faire payer chaque seconde de la souffrance qu'ils m'ont infligée.
Je lève les yeux vers ma tante et je lui offre le plus doux de mes sourires.
« Merci beaucoup, Tata Geneviève. Tu es toujours si attentionnée. »
Elle ne sait pas que le jeu vient de changer de règles. Et que cette fois, c'est moi qui vais gagner.