Huit Ans de Haine
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Chapitre 4

Le choc sur le visage de Marc se dissipe rapidement, remplacé par une expression complexe, un mélange de colère et d'autre chose que je ne parviens pas à déchiffrer. Il ne dit plus un mot pendant tout le trajet.

Il me dépose devant mon immeuble, un bâtiment moderne et impersonnel payé par Moreau. Avant que je ne sorte, il me retient par le bras.

« Jeanne... » commence-t-il, mais il ne finit pas sa phrase. Il me lâche et je sors sans un regard en arrière.

En entrant dans mon appartement silencieux, la première chose que je fais est d'aller voir Louis. Il dort paisiblement dans sa chambre, son petit visage serein. Il a les yeux de Marc. Chaque fois que je le regarde, c'est un rappel constant de la trahison, mais aussi la seule raison pour laquelle je continue à me battre.

Je me souviens de ma grossesse. J'étais seule, terrifiée. Ma mère venait d'être hospitalisée, les factures s'accumulaient. J'avais pensé à l'avortement. C'était la solution la plus simple, la plus logique. J'étais dans la salle d'attente de la clinique, le formulaire à la main, quand j'ai senti le bébé bouger pour la première fois. Une petite secousse, à peine perceptible. Mais c'était un signe de vie. Une vie qui dépendait entièrement de moi.

À ce moment-là, j'ai su que je ne pouvais pas le faire. Cet enfant était innocent. Il était la seule chose qui me restait de l'amour que j'avais cru réel. J'ai déchiré le formulaire et je suis partie. J'ai décidé de le garder, de l'élever, de le protéger, quoi qu'il en coûte.

C'est pour lui que j'ai rencontré Monsieur Moreau. J'ai vendu ce qui me restait de dignité pour assurer sa survie et celle de ma mère. Au début, la haine pour Marc me consumait. Chaque nuit, je rêvais de vengeance, de le voir souffrir comme j'avais souffert. Mais les années ont passé, et la haine s'est transformée en une sorte de lassitude, un vide froid. J'avais accepté mon sort, abandonné toute idée de justice ou de morale. Survivre était devenu mon seul crédo.

Ce que je ne savais pas à l'époque, c'est que la vengeance de Marc n'était pas seulement dirigée contre ma mère pour ce qu'elle avait fait à sa sœur. C'était plus profond, plus personnel.

L'histoire a commencé bien avant. Anne Leclerc, la sœur cadette de Marc, était une fille fragile et sensible. Elle était tombée amoureuse d'un professeur de l'école, un homme marié. Quand elle a découvert qu'elle était enceinte, elle est allée voir ma mère, qui était non seulement professeure mais aussi conseillère d'éducation, pour lui demander de l'aide.

Ma mère a toujours été une femme de principes, rigide et intransigeante. Pour elle, la situation était un scandale inacceptable. Au lieu d'aider Anne en privé, elle a convoqué une réunion avec les parents de la fille et la direction de l'école. Elle a traité l'affaire avec une froideur administrative, parlant de "faute morale" et de "mauvais exemple pour les autres élèves". Elle a humilié publiquement Anne, la forçant à admettre sa "faute" devant tout le monde.

Elle pensait bien faire, préserver la réputation de l'école, faire respecter les règles. Elle n'a pas vu la détresse dans les yeux d'Anne. Elle n'a pas compris que cette jeune fille n'avait pas besoin d'un sermon, mais de compassion.

Marc m'a tout raconté des années plus tard, le jour de la remise des diplômes, dans une lettre qu'il a laissée dans mon casier après son discours public. Une lettre remplie de haine et de douleur.

Il y décrivait comment sa sœur était rentrée à la maison ce jour-là, anéantie.

                         

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