Le Trône de la Reine Jeanne
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Chapitre 1

La douleur était la dernière chose dont je me souvenais, une douleur si intense qu'elle semblait déchirer mon âme.

Le froid glacial de la chaise à porteurs en fer me mordait la peau à travers mes vêtements en lambeaux, et les cordes rugueuses, que mon propre fiancé Louis avait nouées de ses mains, coupaient profondément dans mes poignets et mes chevilles.

Dehors, le vent des terres barbares hurlait, et les rires cruels des hommes de la tribu résonnaient comme le glas de ma mort.

« C'est pour Sophie, » avait murmuré Henri, mon frère, son visage tordu par une haine que je n'avais jamais vue auparavant.

Louis se tenait à côté de lui, silencieux, son regard fuyant le mien, mais je pouvais voir la satisfaction cruelle dans le pli de ses lèvres.

Sophie. Mon assistante.

Tout ça pour Sophie.

J'avais été envoyée ici, en mariage forcé, juste après qu'Henri soit monté sur le trône suite à la mort de notre père. On m'avait dit que c'était pour une alliance politique, un sacrifice nécessaire pour le royaume.

C'était un mensonge.

La vérité était plus simple, plus sordide. Ils se vengeaient. Ils se vengeaient parce que, le jour de mon anniversaire, j'avais réprimandé Sophie. Je l'avais humiliée, disaient-ils.

Son crime ? Elle avait volé ma robe, une pièce magnifique commandée spécialement pour moi, et l'avait portée pour danser au centre de la salle de bal, volant toute l'attention.

Pour cette simple réprimande, ils m'avaient livrée à cet enfer. J'ai subi des tortures que les mots ne peuvent décrire, chaque jour étant une nouvelle descente dans l'abîme, jusqu'à ce que mon corps brisé finisse par abandonner.

Alors que ma vision se brouillait et que le dernier souffle quittait mes poumons, une seule pensée brûlait dans mon esprit : si seulement je pouvais recommencer, je ne leur montrerais aucune pitié.

L'obscurité a tout avalé.

Puis, une lumière.

Une musique douce flottait dans l'air, familière et chaleureuse. Le parfum des lys, mes fleurs préférées, remplissait la pièce. J'ai ouvert les yeux, confuse.

J'étais debout, non pas dans une cage de fer froide, mais dans le grand salon de mon palais. La lumière du soleil filtrait à travers les hautes fenêtres, illuminant la poussière qui dansait dans ses rayons.

Mes mains... elles étaient lisses, sans aucune marque de corde. J'ai touché mon visage, mon cou. Ma peau était intacte, sans la moindre cicatrice. Je portais une simple robe de jour en soie, propre et confortable.

Qu'est-ce que...

Une servante est passée en s'inclinant.

« Joyeux anniversaire, Votre Altesse. »

Mon anniversaire.

Mon cœur s'est mis à battre à tout rompre. J'ai regardé autour de moi, paniquée. Les décorations, les invités qui commençaient à arriver, l'orchestre qui s'accordait... tout était exactement comme dans mon souvenir.

C'était le jour même. Le jour où tout a basculé.

J'étais revenue.

Les souvenirs de ma mort, la douleur, la trahison, tout était si vif, si réel. Ce n'était pas un rêve. C'était un avertissement. Une seconde chance.

Mon regard a balayé la foule, cherchant les visages de mes bourreaux. Et puis, je l'ai vue.

Au centre de la pièce, sous le grand lustre en cristal, Sophie dansait. Elle portait ma robe. La robe impériale, tissée de fils d'or, d'un bleu si profond qu'il rappelait le ciel nocturne, une création unique réservée à la princesse héritière.

Elle tournoyait, gracieuse, son visage rayonnant d'un triomphe mal dissimulé, savourant les regards admiratifs des invités qui ne savaient pas qu'elle n'était qu'une usurpatrice.

Dans ma vie passée, j'avais été choquée, puis furieuse. J'avais crié, j'avais fait une scène, ce qui lui avait donné l'occasion de jouer les victimes.

Pas cette fois.

Cette fois, la rage qui montait en moi était froide, précise, mortelle. Je ne ressentais plus l'humiliation ou la colère impulsive, seulement la certitude glaciale de ce que je devais faire.

J'ai redressé les épaules, sentant le pouvoir de mon statut royal revenir en moi, non plus comme un fardeau, mais comme une arme.

J'ai avancé de quelques pas, ma voix résonnant dans le silence soudain qui s'était fait autour de moi.

« Gardes. »

Deux gardes en armure se sont immédiatement approchés, attendant mes ordres.

Mon regard était fixé sur Sophie, qui s'était arrêtée de danser, le sourire figé sur ses lèvres.

« Venez, » ai-je ordonné d'une voix claire et sans appel. « Arrachez-lui cette robe. »

Un murmure choqué a parcouru l'assemblée.

Je les ai ignorés, mon attention entièrement concentrée sur la silhouette tremblante de mon assistante.

« Qui est-elle pour oser porter une robe impériale ? »

            
            

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