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Elle pourrait tout aussi bien être nue. Sa robe, rouge vif, moulante comme une seconde peau, descend bas entre ses seins et s'accroche à ses épaules par de fines bretelles qui menacent de glisser au moindre mouvement. Elle est courte - pas obscène, non, mais juste assez pour dévoiler des jambes interminables, lisses, sculptées pour le péché. Et pendant qu'elle la porte, je suis incapable de détourner les yeux. Complètement hypnotisé.
Elle est plus attirante que toutes les autres femmes présentes ce soir - et cela veut dire quelque chose, vu que cette soirée de lancement regorge de vedettes : chanteuses, actrices, sportives, et tout un cortège de femmes entretenues qui, n'ayant plus grand-chose à prouver, se consacrent à l'art de paraître, sculptant leur image autant que leurs maris ont sculpté leur fortune.
Et puis il y a Gemma.
Ses cheveux blonds sont tirés en un chignon sage de danseuse, son visage fermé comme un livre qu'on n'ose pas ouvrir, et son corps... son corps est cette soie laiteuse que je veux sentir glisser sur ma peau. Elle dit quelque chose, une plaisanterie, peut-être - le type à côté d'elle se penche, éclate de rire.
Un froncement de sourcils me traverse avant même que je ne m'en rende compte. Qui est ce type ? Elle l'a amené avec elle ? Un rendez-vous ? Elle est pourtant censée être ici comme mon accompagnatrice, techniquement.
La voir avec un autre homme réveille en moi quelque chose de dangereux. Un fil brûlant de possessivité serpente le long de ma poitrine et s'y enroule comme une étreinte d'acier.
Je saisis deux flûtes de champagne sur le plateau d'un serveur qui passe et traverse la pièce, sans prêter attention à ceux qui m'interpellent. Peu m'importe les conversations, les sourires, les poignées de main. Gemma est tout ce que je vois.
- Jack...
Ses lèvres articulent mon prénom avec cette douceur glaciale qui donne à chaque syllabe un arrière-goût d'ironie. Son regard se pose sur moi, et je me demande comment il est possible de glisser autant de mépris dans un simple battement de cils, même si un semblant de sourire effleure son visage impeccable.
Je lui tends une flûte. Ses doigts frôlent les miens en la prenant, et immédiatement, mon esprit imagine ces mêmes doigts ailleurs sur mon corps, explorant, réclamant.
- Tu te souviens de Wolf Duchamp ? dit-elle. Il s'occupe de nos comptes à New York.
Le nom me dit vaguement quelque chose. Un joli minet blond avec cette allure de diplômé des grandes universités de l'Ivy League, habillé de manière impeccable, comme s'il avait appris à se coiffer dans un manuel de bonnes manières.
- Bien sûr.
Je tends la main, obligé de me conformer à la politesse, même si chaque fibre de mon corps est concentrée uniquement sur Gemma.
- Ravi de vous revoir, monsieur.
Gemma étouffe un petit rire. Elle sait que je déteste qu'on m'appelle « monsieur ». Une image s'impose à moi, brutale, irrépressible : Gemma, à genoux, murmurant ce mot d'une voix rauque, ses yeux remontant lentement le long de mon corps pour se perdre dans les miens, avant qu'elle ne se penche pour...
Je secoue la tête.
D'accord, dans certaines circonstances, peut-être que j'accepterais l'appellation.
Mais bon sang, à quoi est-ce que je pense ? Ces fantasmes sont une chose. La baiser serait une toute autre affaire. Une erreur colossale. Aussi désastreuse que de se faire tatouer un serpent sur le visage.
- Je lui expliquais la refonte du logiciel qu'on envisage, dit Wolf.
Il le fait exprès ? Il vient de ruiner l'image que je me faisais dans ma tête avec son bavardage de comptable. Et puis, il l'appelle « Gem », comme s'ils étaient amis d'enfance, comme s'ils partageaient des séances manucure au spa le dimanche.
- Je te ferai un résumé plus tard, dit-elle, en devinant probablement l'irritation qui grimace sur mon visage. Même si elle ignore sans doute sa vraie cause.
- Cela va avoir un impact considérable sur nos opérations, ajoute Wolf avec enthousiasme.
Gemma incline légèrement son corps pour se détourner de moi, comme pour me permettre de fuir la conversation.
- Je vais étudier la faisabilité. Le problème, c'est que l'impact immédiat sera difficile à maîtriser. Il faudra sécuriser les systèmes pendant le transfert des données. Certaines de nos opérations les plus sensibles sont concernées. Une faille serait inacceptable.
- J'y ai pensé aussi, répond Wolf.
Et voilà. Je suis officiellement mis de côté.
À l'autre bout de la salle, une blonde platine avec un décolleté aussi scandaleux que ses jambes interminables cherche à capter mon regard.
Je veux Gemma. Mais je ne peux pas l'avoir.
Et je ne suis pas du genre à m'apitoyer. Il y a toujours du poisson dans l'océan, non ?
J'ai deux règles avec les femmes que je baise : aucun engagement. Pas de rousses.
L'engagement, c'était pour Lucy.
Et Lucy était rousse.
Je me fige.
Un souvenir de Lucy surgit devant mes yeux. Ce sourcil levé qu'elle arborait quand elle n'était pas d'accord. J'ai déconné avant de la rencontrer, c'est vrai. Mais rien de comparable à ce que je suis devenu depuis. Je suis passé à un autre niveau. Et je m'en fous. Enfin... presque. Parce que ce fichu sourcil, même mort, me hante.
Qu'est-ce que tu attendais de moi, Luce ? Tu m'as laissé un vide immense. Il fallait bien que je le remplisse.
Ne me blâme pas, me dit-elle dans ma tête. Ta vie. Ton choix.
Ouais. C'est vrai.
Mes yeux reviennent, de leur propre volonté, vers Gemma.
Elle a la tête penchée maintenant, et les doigts de Wolf tapotent quelque chose sur son téléphone. Elle hoche la tête, sourit, et pose une main sur son avant-bras.
Mon estomac se contracte sous une montée d'émotion que je ne reconnais pas.
Je me détourne, déterminé, et fonce vers la blonde comme si elle était la seule femme dans la pièce.
- Je suis Jack Grant.
Ses lèvres, peintes d'un rouge laqué, s'étirent dans un sourire entendu.
- Je sais qui vous êtes.
- Alors vous avez l'avantage.
Elle entrouvre la bouche, laisse couler les mots.
- D'après ce qu'on m'a dit, vous n'aurez pas besoin de connaître mon nom. Vous ne vous en souviendrez pas demain matin, pas vrai ?
Je ris. J'apprécie sa franchise.
- Non...
Je me penche, mes lèvres frôlant presque son oreille. Mon souffle soulève une mèche de ses cheveux et je vois sa peau se hérisser d'un frisson délicat.
- Mais vous, vous allez vous souvenir de moi pour le reste de votre vie.
Son rire est rauque, prometteur. Elle a tout ce que je cherche, d'habitude. Mais à cet instant précis, elle ne m'inspire qu'un intérêt poli. Si je suis honnête... je suis agacé. Ce flirt, c'est du recyclé. Une vieille rengaine.
- On verra bien...
- Je peux vous offrir un verre ?
- Je peux partager le vôtre, murmure-t-elle, ses yeux baissant vers ma flûte de champagne.
Je ne m'étais même pas rendu compte que je la tenais encore. Je la lui tends, réflexe automatique, et regarde ses lèvres se poser sur le bord du verre. Elle incline légèrement la tête, avale une gorgée dorée comme du miel, puis me rend le verre. J'en prends une gorgée à mon tour.
- Et si on sortait d'ici ? dit-elle, une promesse dans la voix.
Je hoche la tête, passe un bras autour de sa taille. Mes pensées vacillent. Gemma. Lucy. Les deux, en même temps, dans ma tête. Une première. Un phénomène étrange. Est-ce qu'elles s'acharnent sur moi ? Se connaîtraient-elles, dans une dimension parallèle ?