La Muse Oubliée
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Chapitre 2

Quelques jours plus tard, alors que Camille commençait à emballer ses affaires dans des cartons, méthodiquement, comme pour mettre sa propre vie en boîte, on a sonné à la porte. Son cœur a eu un soubresaut. Elle n'attendait personne. Elle a regardé à travers le judas et l'a vu. Antoine. Il se tenait là, sur son paillasson, l'air légèrement mal à l'aise. C'était la première fois qu'il venait dans son appartement depuis... depuis tout. Elle a hésité, puis a ouvert. Son visage était un masque d'indifférence.

« Qu'est-ce que tu veux ? » a-t-elle demandé d'une voix neutre.

Il a semblé surpris par sa froideur. Il a jeté un regard aux cartons empilés dans l'entrée.

« Tu déménages ? »

« Ça te regarde ? »

Il a eu un geste d'agacement, comme si son attitude était un caprice d'enfant. Il est entré sans y être invité, son regard balayant l'appartement qui se vidait. Il a vu les croquis sur la table, des esquisses qu'elle avait faites pour elle-même, pour ne pas devenir folle. Il a froncé les sourcils, un éclair d'intérêt professionnel dans les yeux avant de le masquer.

« Je... je venais prendre de tes nouvelles. »

Camille a eu un rire sans joie. « Prendre de mes nouvelles ? C'est un peu tard, tu ne crois pas ? »

Il a senti le mur de glace entre eux, mais son arrogance, cette certitude que tout lui était dû, l'a empêché de comprendre la profondeur du gouffre. Dans son esprit, elle n'était qu'une femme blessée qui finirait par revenir, une fois que Sophie ne serait plus là. Il se disait qu'il pourrait tout réparer, qu'un jour, il lui expliquerait et qu'elle comprendrait. Il sous-estimait la force de la douleur qu'il lui avait infligée, la nature irréversible de sa trahison. Il la voyait comme une extension de lui-même, pas comme une personne à part entière capable de tracer sa propre route.

Le lendemain, son téléphone a sonné. C'était l'hôpital. La voix de l'infirmière était pressante.

« Monsieur Antoine nous a donné votre nom. Sophie a besoin d'une transfusion sanguine en urgence. Son groupe est rare, mais vous êtes compatible. Pourriez-vous venir ? »

Camille a senti une nausée la submerger. C'était donc ça. Il ne venait pas prendre de ses nouvelles, il venait s'assurer qu'elle était toujours disponible, toujours sous sa coupe. Il avait besoin de son sang pour maintenir Sophie en vie, pour prolonger sa mascarade. C'était la chose la plus perverse, la plus tordue qu'il ait pu lui demander. Donner son propre sang, sa propre vie, pour la femme qui avait détruit la sienne. Une partie d'elle voulait hurler, refuser, l'envoyer au diable. Mais une autre partie, une partie masochiste et épuisée, a simplement cédé. À quoi bon lutter ? C'était peut-être la dernière chose qu'elle ferait pour lui, un dernier sacrifice avant de disparaître pour de bon.

Elle s'est rendue à l'hôpital, le cœur lourd. On l'a installée dans une chambre, à côté de celle de Sophie. L'aiguille a pénétré sa veine, et elle a regardé son sang, rouge et vibrant, s'écouler dans la poche en plastique. Elle se sentait se vider, littéralement. Pendant ce temps, de l'autre côté de la fine cloison, elle entendait la voix d'Antoine, douce et pleine de sollicitude, murmurant à l'oreille de Sophie. Il lui racontait des histoires, lui tenait la main, lui promettait qu'il ne la quitterait jamais. Chaque mot tendre était une gifle pour Camille. Il prenait sa vie pour la donner à une autre, et il le faisait avec une tendresse qu'il lui avait volée. La douleur était si intense qu'elle était presque physique, une brûlure dans sa poitrine qui surpassait la piqûre dans son bras.

Quand la transfusion a été terminée, Antoine est entré dans sa chambre. Il n'a même pas regardé son visage pâle, ses yeux cernés. Il a posé une enveloppe épaisse sur la table de chevet.

« C'est pour te remercier. Il y a assez pour que tu n'aies plus de soucis pendant un moment. »

L'odeur de l'argent, du mépris. Il pensait pouvoir tout acheter, même sa dignité. Elle a regardé l'enveloppe, puis son visage. Pour la première fois depuis des semaines, une étincelle de colère a brillé dans ses yeux vides.

« Garde ton argent, Antoine. Je n'ai pas besoin de ta pitié. »

Il a haussé les épaules, comme si sa réaction était prévisible et sans importance. « Comme tu voudras. »

Il s'est retourné pour partir, mais avant qu'il n'atteigne la porte, Sophie est apparue dans l'encadrement, soutenue par une infirmière. Elle était pâle, mais ses yeux brillaient d'une méchanceté triomphante. Elle a souri à Camille, un sourire venimeux.

« Merci pour le don, Camille. C'est si généreux de ta part de partager. Mais tu sais, il y a des choses qu'on ne peut pas partager. Comme Antoine. Il est à moi, maintenant. Complètement. »

Elle a regardé les croquis que Camille avait laissés sur une chaise, les seuls objets personnels qu'elle avait apportés. D'un geste faussement maladroit, Sophie a fait semblant de trébucher et a renversé un verre d'eau sur les dessins, le papier buvant le liquide, l'encre se diluant en une bouillie informe.

« Oh, pardon. Quelle maladroite je fais. »

Le regard qu'elle a lancé à Camille était sans équivoque. C'était une déclaration de guerre. Le conflit n'était pas terminé, il ne faisait que commencer. Et Sophie était bien décidée à l'anéantir jusqu'à la dernière miette.

            
            

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