Les Enfers de Camille
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Chapitre 3

À l' ordre de Julien, les gardes spectres qu' il avait amenés se ruèrent vers la table, commençant à briser frénétiquement les bols et les fioles. Les quelques gardes assignés à Marc tentèrent de s' interposer, mais Julien, d' un revers de la main, en envoya un au sol.

« Misérable créature, qui es-tu pour oser m' arrêter ! » cracha-t-il.

Après avoir dit cela, Julien leva la main, son pouvoir spirituel crépitant, prêt à frapper le garde à terre. Mais juste à ce moment, son regard se posa sur Marc, qui observait la scène, impassible. Une lueur sinistre traversa ses yeux.

Profitant du fait que le garde tentait de se relever en s' agrippant à son bras, Julien se laissa tomber brusquement en arrière, comme s' il avait été violemment poussé. Il poussa un cri déchirant.

« Aaaah ! »

Marc n' avait même pas eu le temps de réagir que Camille avait déjà fait irruption dans la pièce. Elle arriva comme une furie, écarta Marc d' un geste brutal sans même le regarder, et se précipita vers Julien. Elle le prit dans ses bras, le visage déformé par l' inquiétude.

« Julien, qu' est-ce qui ne va pas ? Qu' est-ce qu' il s' est passé ? »

Julien, blotti contre elle, se mit à pleurer.

« Votre Altesse... Je suis juste venu remercier Monseigneur pour le don de son sang hier. Mais non seulement il n' a pas accepté mes remerciements, mais il a aussi dit que mes cadeaux étaient indignes de lui. Quand j' ai voulu raisonner avec lui, il... il m' a poussé... »

En parlant, ses larmes se mirent à couler sur son visage pâle et délicat, comme des perles d' un collier brisé. Il avait l' air si fragile, si blessé.

Après l' avoir écouté, Camille tourna brusquement la tête vers Marc. Son regard était noir, profond, et aussi froid que la glace des enfers les plus profonds. Marc frissonna malgré lui.

« Excuse-toi. »

Sa voix était un ordre, sans appel.

Marc resta immobile. Même s' il savait qu' il allait bientôt partir, que tout cela n' aurait plus d' importance, son cœur était transpercé par une douleur aiguë. Il aurait pu expliquer. Il aurait pu dire la vérité. Mais à quoi bon ? Il savait qu' elle ne le croirait pas. Dans son état actuel, sa parole ne valait rien face aux larmes de Julien.

Alors, il baissa la tête, résigné.

« Je suis désolé, » dit-il d' une voix engourdie.

Mais Julien, toujours dans les bras de Camille, n' était pas satisfait.

« Votre Altesse, je ne peux pas accepter des excuses aussi superficielles de la part de Monseigneur. C' est trop facile. »

Camille fronça les sourcils, son regard toujours fixé sur Marc.

« Alors, que veux-tu ? »

Une lueur de pure cruauté brilla dans les yeux de Julien.

« J' ai entendu dire que les lotus rouges qui poussent dans la Rivière des Morts sont magnifiques. Laissez Monseigneur descendre dans la rivière et m' en cueillir quelques-uns en guise d' excuses. »

À ces mots, le visage de Camille changea. Même elle semblait surprise par la cruauté de la demande. La Rivière des Morts était l' endroit le plus dangereux de tous les Enfers. Ses eaux glaciales étaient infestées de goules et de démons aquatiques qui se nourrissaient de la chair et du sang des vivants. Et les lotus rouges ne poussaient qu' au centre de la rivière, là où les créatures étaient les plus nombreuses et les plus féroces. Plus les lotus étaient rouges, plus les démons étaient affamés.

Le regard de Camille s' attarda longuement sur Marc. Il vit clairement l' hésitation dans ses yeux. Une fraction de seconde, il crut voir une lueur de son ancienne sollicitude. Mais ce ne fut qu' une illusion. Finalement, elle durcit son expression et prononça trois mots, froids et cruels.

« Emmenez-le. »

En entendant cette phrase, Marc sentit son cœur se briser une nouvelle fois. Il regarda Camille, mais il n' y avait plus de supplication dans ses yeux. Seulement un vide immense. Il se laissa emmener par les soldats spectres, sans résistance.

Les soldats l' amenèrent au bord de la Rivière des Morts. L' eau était noire, épaisse, et des bulles fétides remontaient à la surface. Sans la moindre hésitation, ils le poussèrent.

L' eau glaciale l' engloutit instantanément. À peine était-il sous la surface que d' innombrables démons se ruèrent sur lui. Des créatures aux yeux luisants et aux dents acérées commencèrent à déchirer sa chair.

« Sifflement... »

C' était le bruit de leurs crocs s' enfonçant dans sa peau. La douleur était fulgurante. Sa peau pâle fut lacérée, révélant la chair écarlate en dessous. Le sang, d' un rouge plus vif que les lotus qu' il cherchait, commença à se répandre dans l' eau noire, attirant encore plus de créatures.

Il tremblait violemment, mais il devait nager. Nager vers le centre de la rivière, où les fleurs maudites flottaient.

Il attrapa une première fleur et la tendit, d' une main ensanglantée, aux soldats qui attendaient sur la rive. Un garde la porta à Julien, qui était venu assister au spectacle. Julien la prit, l' examina et fit une moue dégoûtée.

« Elle est un peu fanée. Je n' en veux pas. »

Sans autre choix, Marc dut retourner dans l' eau infestée de démons.

Il cueillit une deuxième fleur, luttant contre la douleur et les créatures qui s' acharnaient sur ses jambes. Elle fut de nouveau rejetée.

« Celle-ci n' a pas de parfum, » décréta Julien.

La troisième fleur. Rejetée. Pas assez éclatante.

La quatrième. Rejetée. La tige est trop courte.

Marc ne savait plus combien de fleurs il avait cueillies. Son corps entier n' était plus qu' une masse de blessures ouvertes. Le sang coulait de partout. Il n' y avait plus un seul centimètre de peau intacte. Il était une vision d' horreur.

Pourtant, il ne semblait plus ressentir la douleur. Il agissait mécaniquement, comme une marionnette désarticulée, répétant le même geste encore et encore : nager, cueillir, ramener.

Jusqu' à ce que la toute dernière fleur de lotus rouge, la plus belle, celle qui poussait au cœur même du danger, soit cueillie et ramenée sur la rive.

Cette fois, Julien ne le tourmenta plus. Il prit la fleur, la huma avec un sourire satisfait, et tourna les talons, suivi de Camille.

Marc, comme libéré d' un poids immense, s' effondra complètement sur la rive. Il ferma les yeux, le monde autour de lui teinté de rouge par le sang qui coulait de ses blessures.

            
            

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