Au Revoir, Sophie.
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Chapitre 2

Le lendemain matin, je n'étais pas au bureau. J'étais au greffe du tribunal de commerce.

L'endroit était impersonnel, sentait le vieux papier et le café tiède. Une employée à l'air las a tamponné mes documents avec un geste mécanique.

« Voilà, Monsieur Dubois. L'enregistrement de l'acte de réversion est validé. Vous êtes officiellement reconnu comme le bénéficiaire unique et propriétaire majoritaire de l'entreprise 'Innovatech Solutions' en cas de dissolution ou de faute de gestion avérée de la directrice actuelle, Madame Sophie Bernard. »

Elle m'a tendu les papiers. Je les ai pris, le cœur battant d'une certitude froide. C'était fait. La première pierre de mon plan était posée, solide, inébranlable.

J'ai rangé les documents dans ma mallette, à côté des preuves que j'accumulais depuis des mois : notes de frais frauduleuses de Marc, emails prouvant le détournement de contrats, témoignages discrets d'employés loyaux.

Alors que je sortais du bâtiment, mon téléphone a sonné. C'était Sophie.

J'ai décroché.

« Allô ? »

« CLEMENT ! C'EST QUOI CE BORDEL ?! »

Sa voix était stridente, hystérique. Je pouvais l'entendre haleter de fureur.

« Le client Stratos vient d'annuler le contrat ! Ils disent que les données que nous leur avons envoyées sont corrompues ! C'est le dossier sur lequel Marc a travaillé si dur ! C'est ta faute, n'est-ce pas ? Tu as saboté son travail ! »

Je suis resté silencieux, la laissant vider sa rage.

« Tu vas me réparer ça, et tout de suite ! Je me fiche de comment tu fais ! Tu as jusqu'à ce soir pour récupérer ce client, sinon tu es viré, tu m'entends ? VIRÉ ! »

J'ai attendu qu'elle reprenne son souffle.

« C'est noté, Sophie », ai-je dit d'une voix calme.

« 'C'est noté' ? C'est tout ce que tu trouves à dire ? Tu te rends compte de la situation ? On parle de notre plus gros client ! »

« Je m'en occupe », ai-je répondu, toujours aussi platement.

Il y a eu un silence à l'autre bout du fil. Ma tranquillité la déstabilisait. Elle s'attendait à des excuses, à de la panique.

« C'est ça, oui... Intérêt à t'en occuper. Et ne crois pas que je vais oublier l'incident d'hier avec l'ordinateur de Marc. Tu es sur la sellette, Clément. Un pas de travers et tu dégages. »

Elle parlait comme si elle me tenait. Comme si elle avait tout le pouvoir. L'ironie était délicieuse.

« J'ai déjà contacté le client Stratos ce matin », ai-je dit lentement.

« Quoi ? »

« Je leur ai envoyé la bonne version du dossier. Celle que j'avais sauvegardée. Ils ont été très compréhensifs. Ils ont même apprécié ma réactivité. Le contrat est non seulement maintenu, mais ils envisagent de l'étendre. »

Nouveau silence, plus long cette fois. Je pouvais presque entendre les rouages de son cerveau essayer de comprendre.

« Comment... Comment tu as fait ça ? »

« J'ai mes méthodes. »

Elle a rapidement repris le dessus, ou du moins, elle a essayé.

« Ah. Eh bien... C'est la moindre des choses. C'est toi qui avais merdé au départ. Ne t'attends pas à des remerciements. Tu as juste réparé ton erreur. »

Elle était incapable d'admettre que j'avais sauvé la situation. Incapable d'admettre que Marc était un incompétent. C'était parfait. Son aveuglement était mon meilleur allié.

« Comme tu voudras, Sophie. »

« Et pour mon bureau ? »

Je savais que la question allait venir.

« Ton bureau ? »

« Ne joue pas à l'idiot ! Marc m'a dit que tu as cassé son ordinateur ! »

« C'était un accident. Le câble était mal branché. D'ailleurs, le service technique s'en occupe. »

Elle a grogné.

« Peu importe. Je veux que tu présentes tes excuses à Marc. Devant tout le monde. »

« Non. »

Le mot est sorti, net et sans appel.

« Quoi ? Tu oses me dire non ? »

« Je n'ai pas à m'excuser pour quelque chose que je n'ai pas fait intentionnellement. Maintenant, si tu veux bien m'excuser, j'ai une autre réunion importante. »

« Une réunion ? Quelle réunion ? Tu ne m'as rien dit ! »

« Ce n'est pas une réunion de l'entreprise. C'est personnel. »

Avant qu'elle puisse exploser, j'ai raccroché.

J'ai regardé mon téléphone, un sourire froid aux lèvres. Elle devait être en train de fulminer, de se demander comment le paillasson sur lequel elle s'essuyait les pieds osait soudainement se rebeller.

Elle ne comprenait pas. Elle pensait encore jouer une partie de dames, déplaçant ses pions avec arrogance.

Mais moi, j'avais déjà disposé toutes les pièces de mon échiquier.

Et son roi, ou plutôt sa reine, était sur le point de tomber.

            
            

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