Le Poids du Nom : L'Héritage Toxique
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Chapitre 1

La lumière blanche du bureau de l'URSSAF me donnait mal à la tête, le néon au-dessus de moi grésillait comme un insecte mourant.

Je venais de décrocher le job de mes rêves, ingénieur dans une grande boîte aéronautique à Toulouse, un salaire qui allait enfin me permettre de respirer.

Je voulais juste régulariser ma situation, m'assurer que tout était en ordre avant de commencer. Une simple formalité.

La fonctionnaire a tapé mon nom sur son clavier, puis a froncé les sourcils. Elle a relu l'écran, ses doigts s'arrêtant.

« Monsieur Antoine Fournier ? »

« C'est moi. »

« Il y a un problème. Vous êtes déjà enregistré comme travailleur non salarié. »

Mon cerveau a mis une seconde à traiter l'information. C'était impossible.

« Une erreur, sans doute. Je suis salarié depuis la fin de mes études. »

Elle a secoué la tête, son expression neutre mais ferme.

« Non, pas d'erreur. Vous êtes le gérant d'une SARL. Et vous avez une dette de cotisations sociales. Plusieurs milliers d'euros. »

Le grésillement du néon est devenu assourdissant. Une dette ? Gérant ?

« De quelle entreprise parlez-vous ? »

Elle m'a donné le nom. Une entreprise de construction dont je n'avais jamais entendu parler. Mon estomac s'est noué. Je n'avais qu'une seule idée en tête.

J'ai quitté le bureau sans même dire au revoir, le papier qu'elle m'avait tendu tremblant dans ma main.

J'ai trouvé mon père, Gérard, dans son petit atelier de menuiserie à la retraite. L'odeur de la sciure et du bois verni, qui d'habitude me calmait, me donnait la nausée.

Il était en train de poncer une vieille chaise, le dos voûté.

Je lui ai jeté le papier sur l'établi.

« C'est quoi ça ? »

Il a sursauté, a regardé le document, puis a détourné les yeux, incapable de me faire face. Son silence était un aveu.

« Papa, réponds-moi. »

Sa voix était à peine un murmure, faible, comme toujours.

« C'est... c'est ton oncle Bernard. Il avait besoin d'un nom... pour faciliter des transactions. »

Faciliter des transactions. Les mots sonnaient faux, creux.

La colère a monté en moi, brûlante.

« Faciliter des transactions ? Papa, je suis le gérant ! Je suis légalement responsable ! Il y a des dettes ! Des milliers d'euros ! Tu te rends compte de ce que ça veut dire ? »

Il a baissé la tête encore plus bas, se faisant tout petit.

« Bernard a dit qu'il s'occuperait de tout... Ce n'est qu'une formalité, Antoine. C'est la famille. »

« La famille ? La famille, ça veut dire me mettre dans une merde pareille sans même me le dire ? Ça peut me coûter mon nouveau travail ! Ça peut me ruiner ! »

Je voyais bien qu'il ne comprenait pas, ou ne voulait pas comprendre. Pour lui, Bernard, son grand frère, était le roi. Et ma grand-mère, la matriarche, n'avait d'yeux que pour son aîné. Mon père avait passé sa vie à chercher leur approbation, à sacrifier ses propres intérêts, et maintenant les miens, pour un peu de reconnaissance.

« Dimanche, au repas de famille, tu règles ça. Tu dis à Bernard de retirer mon nom de cette société immédiatement et de payer les dettes. C'est clair ? »

Il a hoché la tête, un mouvement misérable.

« Oui, Antoine. Je le ferai. »

Mais en le regardant, je savais déjà qu'il ne le ferait pas. Sa promesse était aussi fragile que la poussière de bois sur le sol de l'atelier.

            
            

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