Le chaos a été interrompu par le bruit de la porte d'entrée qui s'ouvrait violemment.
Ma mère, Isabelle, est entrée.
Elle n'était pas seule. Derrière elle se tenaient ses deux frères, mes oncles du Pays basque. Des artisans, des hommes robustes, des montagnes de muscles qui ne plaisantaient jamais.
Le silence est tombé, un silence bien plus lourd que le précédent.
Le regard d'Isabelle a balayé la pièce : mon père pétrifié, ma grand-mère choquée, Bernard qui me tenait encore par le col, et moi, avec ma joue rouge et ma lèvre qui commençait à saigner.
Elle a marché lentement vers Bernard.
« Lâche mon fils. »
Sa voix était calme, mais tranchante. Bernard, pour la première fois, a semblé hésiter. Il a desserré sa prise et a reculé d'un pas.
Mes oncles se sont placés de chaque côté de moi, formant un mur protecteur.
Isabelle s'est tournée vers son mari, mon père. Son expression était un mélange de pitié et de dégoût.
« Alors, Gérard. C'est ça, ta famille ? C'est pour ça que tu nous as sacrifiés pendant toutes ces années ? Pour avoir le droit de voir ton fils se faire frapper ? »
Mon père n'a pas répondu, il tremblait.
Elle a ensuite regardé la grand-mère.
« Et vous, la grande matriarche. Vous êtes fière de votre œuvre ? Regardez-les. Un manipulateur et un lâche. Belle réussite. »
Elle a fait un geste vers la table, vers le repas à moitié consommé.
« Votre "unité" familiale... »
Elle a attrapé la nappe et a tiré d'un coup sec. Assiettes, verres, bouteilles, tout s'est écrasé au sol dans un vacarme assourdissant.
« ... elle est terminée. »
Personne n'a bougé. Personne n'a osé.
Isabelle a sorti une enveloppe de son sac et l'a jetée sur les débris, aux pieds de mon père.
« C'est une demande de divorce. Je ne pouvais plus supporter ta soumission, mais je suis restée pour Antoine. Maintenant, il est un homme. Il n'a plus besoin de toi pour le protéger. Et visiblement, tu n'en es pas capable. »
Elle s'est tournée vers moi, son expression s'adoucissant.
« Viens, Antoine. On s'en va. »
J'ai suivi ma mère et mes oncles, laissant derrière moi une famille en ruines et le bruit des assiettes brisées qui résonnait comme la fin d'une époque.
En passant la porte, j'ai jeté un dernier regard à mon père. Il était à genoux, essayant de ramasser les morceaux d'une assiette, complètement perdu.