Juliette est rentrée tard, comme elle l'avait dit.
Elle avait l'air fatiguée, mais elle m'a souri.
"Longue journée," a-t-elle dit en posant son sac.
Elle s'est approchée et m'a embrassé sur la joue. Son parfum familier, un mélange de lilas et de vieux livres, m'a envahi.
D'habitude, ce parfum me calmait. Ce soir, il me donnait la nausée.
Je n'ai rien dit. J'ai juste hoché la tête.
"Tu as l'air bizarre, Alan. Tout va bien ?"
Sa voix était douce, pleine d'une inquiétude qui semblait si fausse maintenant.
"Juste fatigué," j'ai menti.
Elle a haussé les épaules et est allée dans la salle de bain. J'ai entendu l'eau couler.
Je suis resté assis dans le salon, dans le noir, le téléphone serré dans ma main.
Les jours suivants ont été un enfer.
Juliette était plus affectueuse que jamais. Des petits déjeuners au lit, des mots doux, des caresses inattendues.
Chaque geste était une torture.
Était-ce de la culpabilité ? Essayait-elle de compenser ?
Ou pire, était-ce juste sa nature, et j'étais en train de devenir fou ?
J'ai commencé à regarder ses affaires.
Ses "voyages d'affaires pour des acquisitions d'art" sont devenus suspects. Celui à Milan le mois dernier, celui à Amsterdam la semaine d'avant.
Était-elle seule ?
Je ne pouvais plus vivre dans le doute. J'avais besoin de la vérité, aussi laide soit-elle.
J'ai cherché en ligne et j'ai trouvé une petite agence de détectives privés à Lyon, tenue par un ancien gendarme.
Je l'ai appelé depuis le cellier de mon restaurant, entouré de bouteilles de vin valant des milliers d'euros. Rien n'avait plus de valeur pour moi que la vérité.
"Je veux que vous suiviez ma femme," j'ai dit, ma voix était un murmure rauque.
"Je veux savoir où elle va, qui elle voit. Discrètement."
L'homme à l'autre bout du fil n'a posé aucune question. Il a juste dit : "Donnez-moi les détails. Vous aurez des nouvelles d'ici la fin de la semaine."
L'attente a été la pire partie.
Chaque jour, je jouais le rôle du mari aimant, tout en sentant un gouffre se creuser entre nous.
Le vendredi, j'ai reçu un e-mail. L'objet était simple : "Rapport".
Mon cœur a manqué un battement.
J'ai ouvert l'e-mail dans les toilettes du restaurant, mes mains moites.
Il y avait des photos.
La première montrait Juliette, assise à la terrasse d'un café à Croix-Rousse. Elle riait.
En face d'elle, il y avait un homme. Je ne le connaissais pas. Il était jeune, bien habillé, avec un air confiant.
La deuxième photo les montrait marchant dans les rues, très proches. Sa main effleurait son dos.
La troisième photo a brisé ce qui restait de mon cœur.
Ils entraient ensemble dans un boutique-hôtel de luxe dans le Vieux Lyon.
L'homme tenait la porte pour elle. Elle lui souriait, un sourire intime, un sourire que je connaissais bien.
J'ai zoomé sur le visage de l'homme.
Puis j'ai ouvert Telegram, le groupe "Le Salon Secret".
J'ai regardé le profil de l'utilisateur qui avait posté la photo de Juliette. L'avatar était une silhouette sombre.
Mais le nom d'utilisateur... "KFowler".
Fowler. C'est le nom de famille de Juliette.
L'homme sur les photos du détective était le même. C'était lui. L'homme qui l'avait exposée.
Et elle était avec lui. Volontairement.
La trahison n'était pas simple. Elle était double, complexe, et bien plus sombre que je ne l'avais imaginé.