Chapitre 1

Après cinq ans de coma, mon mari, le vicomte Kyle Gordon, s'est réveillé.

J'ai appris la nouvelle par un domestique, pas par sa mère. J'étais dans la serre, en train de tailler les rosiers avec mes jumeaux de quatre ans, Léo et Chloé.

Pendant cinq ans, j'ai géré ce domaine, élevé nos enfants, et veillé sur lui. J'ai accepté ce mariage arrangé pour sauver le vignoble de ma famille, menacé de faillite par les manœuvres de sa propre mère. Elle avait besoin d'une héritière pour la lignée Gordon, et j'avais besoin que ma famille survive. C'était un contrat.

J'ai posé mon sécateur, pris les enfants par la main et me suis dirigée vers la chambre principale. Mon cœur était étrangement calme.

En entrant, je l'ai vu assis sur le lit, le regard fixé sur moi. Il était plus mince, mais ses yeux bleus étaient aussi perçants qu'avant. Dora Moore, sa "meilleure amie" d'enfance, était à ses côtés, lui tenant la main. La mère de Kyle se tenait près de la fenêtre, un sourire satisfait sur le visage.

Personne n'a regardé les enfants.

"Juliette," a commencé Kyle, sa voix rauque après des années de silence. "Je suis réveillé maintenant. Notre arrangement est terminé."

Je n'ai rien dit.

"J'aime Dora," a-t-il continué, son regard se durcissant. "Je ne t'ai jamais aimée. Tu n'étais qu'une solution de secours, une provinciale achetée pour porter un héritier. Maintenant, tu vas rester ici, jouer ton rôle d'épouse de façade, sans rien attendre de plus."

Léo a serré ma jupe plus fort. Chloé a caché son visage derrière ma jambe.

J'ai senti une fatigue immense m'envahir, une fatigue de cinq années de sacrifices.

"Très bien," ai-je répondu, ma voix plate. "Alors, divorçons. Je prendrai les enfants et je partirai. Tu pourras épouser Dora."

Le visage de Kyle s'est tordu de fureur. "Divorcer ? Pour que tu puisses ruiner la réputation de Dora ? Elle est déjà fiancée à un autre homme. Tu veux la faire passer pour une briseuse de ménage ?"

Il s'est levé, chancelant légèrement, et s'est approché de moi.

"Tu n'es rien. Une opportuniste. Tu as profité de mon coma pour t'infiltrer dans ma vie, dans ma fortune. Tu restes ici, tu te tais, et tu élèves ces enfants. C'est tout ce que tu vaux."

Il n'a pas dit "mes enfants". Il a dit "ces enfants". Comme s'ils étaient des objets, des choses sans importance.

C'est à ce moment-là que j'ai su que ce ne serait pas simple. Mais je ne reculerais pas. Pas pour eux.