Je l'ai emmené dans un petit café près de la Sorbonne, là où nous nous étions rencontrés.
Il n'a rien dit, il s'est juste assis, me regardant comme si j'étais une étrangère.
« Pourquoi as-tu fait ça, Chloé ? »
Sa voix était lasse.
« Pourquoi as-tu caché le livret ? C'est une mauvaise blague ? »
J'ai secoué la tête.
« Ce n'est pas une blague. Je ne vais pas t'épouser, Étienne. »
Il a eu un hoquet de surprise. Un éclair de soulagement a traversé son visage, si rapide que j'aurais pu le manquer. Mais je le connaissais par cœur. Je l'ai vu.
« Quoi ? Mais... nos parents... »
« Je vais leur parler. »
J'ai posé mes mains sur la table, pour ne pas qu'il voie qu'elles tremblaient.
« Je sais que tu ne m'aimes pas. Je sais que tu aimes Camille. J'ai été stupide et égoïste de te forcer à ça. »
Il me fixait, sans voix.
« Je te libère, Étienne. Va vivre ta vie. Sois l'artiste que tu as toujours voulu être. Ne laisse pas tes parents te dicter ton avenir. »
C'était le deuxième regret de son carnet.
« Comment... comment tu sais tout ça ? » a-t-il balbutié.
« J'ai fait un rêve, » j'ai menti. « Un rêve terrible. Je t'ai vu dépérir, malheureux, piégé dans une vie que tu détestais. Et ça se terminait... mal. Très mal. »
Mes yeux se sont remplis de larmes, des larmes bien réelles cette fois, en pensant à son corps inerte sur le chantier.
Il a vu ma détresse. La froideur de son regard s'est un peu adoucie. Il y avait de la pitié.
« Chloé... »
« Non, ne dis rien. C'est ma décision. Je pars. J'ai demandé à récupérer ma bourse de recherche en Italie. Celle que j'avais refusée pour toi. J'ai ma place. »
Il a baissé les yeux, l'air coupable.
« Je suis désolé. »
« Ne le sois pas. Sois juste heureux. C'est tout ce que je te demande. »
Son téléphone a sonné, brisant le silence.
Il a regardé l'écran. Son visage s'est crispé.
Je savais qui c'était. C'était l'appel qui allait tout changer.