Chapitre 3

Pour la dernière épreuve, la grande finale, le thème était une création libre. Une pièce montée.

C'était l'épreuve où je devais briller, où mon talent pouvait s'exprimer sans contraintes.

Dans ma vie passée, j'avais créé un château de conte de fées en sucre tiré, avec des détails d'une finesse incroyable. J'avais obtenu 18/20. Chloé, avec une pâle copie, avait eu 20/20, remportant le titre.

Cette fois, mon plan était différent.

Radical.

Désespéré.

J'ai passé la nuit non pas à dessiner des croquis de chefs-d'œuvre, mais à calculer.

Le règlement du concours était clair : pour être déclaré vainqueur, un candidat devait obtenir une note finale moyenne d'au moins 15/20 sur l'ensemble des épreuves.

Après les deux premières épreuves, la moyenne de Chloé était de 18.5/20. La mienne était de 16.5/20.

Pour gagner, elle avait besoin d'une note minimale à la finale.

Mais si j'obtenais un zéro...

Si ma note pour la pièce montée était de 0/20, alors la sienne, avec ce système diabolique, serait de 2/20.

Avec une note de 2/20 à la finale, sa moyenne chuterait drastiquement.

(18 + 19 + 2) / 3 = 13.

Treize.

Bien en dessous des 15 requis pour la victoire.

Si je perdais de façon spectaculaire, elle perdait aussi. Personne ne gagnerait le titre. Personne n'aurait la bourse.

C'était un suicide professionnel, mais c'était ma seule arme.

Le jour de la finale, l'ambiance était électrique. Les caméras de télévision étaient là. Les familles des candidats aussi.

Mes parents étaient dans le public. Je les voyais, leurs visages tendus d'espoir et d'inquiétude. Mon cœur s'est serré. Je devais les décevoir pour les sauver. C'était absurde.

Lucas est venu me voir avant le début.

« Amélie, s'il te plaît. Oublie tout. Fais de ton mieux. Pour toi, pour nous. »

Je l'ai regardé. L'amour que je ressentais pour lui s'était éteint, remplacé par une pitié froide. Il était faible, un pion dans le jeu de Chloé.

« Ne t'inquiète pas, Lucas. Je vais faire exactement ce qu'il faut. »

L'épreuve a commencé.

Pendant que les autres candidats s'affairaient, mesurant, pesant, mélangeant... je suis restée immobile.

Puis, j'ai commencé mon \\"œuvre\\".

J'ai pris du sucre et je l'ai mis à chauffer, sans thermomètre. Je l'ai laissé brûler jusqu'à ce qu'il dégage une fumée noire et âcre.

J'ai préparé une génoise avec du sel à la place du sucre.

J'ai monté une crème au beurre avec du vinaigre.

Les juges passaient dans les allées, leurs visages passant de la curiosité à l'incompréhension, puis au dégoût en s'approchant de mon plan de travail.

L'odeur était infâme.

Chloé me lançait des regards, d'abord moqueurs, puis de plus en plus perplexes. Elle ne comprenait pas. C'était parfait.

À la fin du temps imparti, j'ai \\"dressé\\" ma pièce. Un amas informe, noirci, qui sentait le brûlé et l'acide.

Je l'ai présentée aux juges avec un visage impassible.

« Ma création s'appelle \\"Désespoir\\". »

Le silence dans la salle était total. On pouvait entendre les mouches voler. J'ai vu le choc sur le visage de mes parents. La confusion sur celui de Lucas. L'horreur sur celui des juges.

Et pour la première fois, j'ai vu une lueur de panique dans les yeux de Chloé.

Elle commençait à comprendre que quelque chose n'allait pas.

            
            

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