Je sors de la clinique, deux enveloppes à la main. Le rapport médical est parfait. Le bébé et moi sommes en excellente santé. Luc, à côté de moi, rayonne de bonheur.
« Montre-moi ton analyse de vin, ma chérie. Je suis curieux de voir ce que ta méthode révèle sur notre cuvée expérimentale. »
Je lui tends fièrement l'autre enveloppe.
Son sourire s'efface instantanément. Son visage se crispe, ses yeux se vident de toute chaleur. Une haine froide et incompréhensible le remplace.
« Il faut avorter. Tout de suite. »
Sa voix est un murmure glacial, tranchant. Je suis sous le choc.
« Quoi ? Mais... le médecin a dit que tout est parfait. Le bébé est en pleine forme. »
« J'ai dit, il faut avorter. »
Il serre les poings, son corps est tendu comme une corde. La confusion laisse place à la peur. Je ne comprends pas. C'est notre enfant, désiré, attendu.
Je recule, mon téléphone à la main.
« J'appelle tes parents. Ils ne te laisseront jamais dire une chose pareille. »
Luc ne m'arrête pas. Il semble attendre leur arrivée, une certitude terrifiante dans le regard.
Mes beaux-parents arrivent, inquiets. Ma belle-mère, Hélène, me prend dans ses bras.
« Amélie, ma chérie, que se passe-t-il ? Luc nous a appelés, il avait l'air paniqué. »
Son mari, Jean-Pierre, pose une main réconfortante sur mon épaule.
« Luc, ne fais pas peur à ta femme. Qu'est-ce qui te prend ? »
Luc ne répond pas. Il leur tend simplement le rapport d'analyse du vin. Le même rapport qui a transformé mon mari en monstre.
Jean-Pierre, cet homme habituellement si doux, devient livide en le lisant. Ses yeux se posent sur mon ventre. Sa main se lève.
Il veut me frapper.
Hélène l'arrête, choquée. « Jean-Pierre ! Arrête ! »
Elle lui arrache le papier des mains. Elle lit. Son visage, d'abord protecteur, se fige. Le masque de l'affection tombe, révélant une glace impénétrable.
Elle me regarde, non plus comme sa belle-fille, mais comme un problème à éliminer.
« Il faut régler ça discrètement, » murmure-t-elle.
Puis, se tournant vers son mari et son fils, elle ajoute une phrase qui scelle mon destin.
« Enfermez-la dans la cave du château. Avec quelques ouvriers agricoles. Ils sauront s'occuper du problème. »
Je hurle. J'essaie de fuir. Mais Luc me saisit brutalement. Ils me traînent hors de la clinique, m'ignorent complètement. Je suis un objet, une souillure.
Dans l'obscurité humide de la cave, le stress, la peur et les coups provoquent l'inévitable. Je perds mon enfant.
Quand ils me libèrent enfin, je suis vide. Brisée. Je confronte Hélène, cherchant une explication, une once de remords.
Elle me sourit. Un sourire glacial, dépourvu de toute humanité.
« Ma pauvre chérie. Cette fausse couche t'a rendue folle. Une dépression post-traumatique si sévère... »
Deux hommes en blouse blanche m'attrapent. Ils m'emmènent dans une clinique psychiatrique isolée.
Là-bas, les jours se transforment en un cauchemar sans fin. Les mauvais traitements, les médicaments, l'isolement. Je meurs à petit feu, seule, sans jamais comprendre pourquoi une simple analyse de vin a détruit ma vie.