Chapitre 3

Quelques jours plus tard, la situation empire.

Je suis dans ma chambre, en train de faire mes cartons, quand Chloé entre sans frapper.

Elle a l'air contrariée, mais déterminée.

« Il faut qu'on parle. Yanis va venir passer l'été ici. »

Je lâche le livre que j'avais dans les mains. Il tombe sur le sol avec un bruit sourd.

« Quoi ? Ici ? Dans cette maison ? »

« Son environnement à Marseille est toxique pour lui. Le médecin a dit qu'il avait besoin de calme. C'est la seule solution. »

Je ris, un rire sans joie.

« Tu es sérieuse ? Tu veux faire venir ce type ici ? Après ce qu'il a fait ? »

« Il ne l'a pas fait exprès, Léo ! Il était paniqué. Et il s'en veut terriblement. Il prend des médicaments, tu sais. C'est à cause d'un traumatisme. Il m'a protégée une fois, il a été blessé. C'est pour ça qu'il est comme ça. »

Le fameux traumatisme. L'histoire qu'elle m'a racontée un soir. Yanis l'aurait "protégée" d'une agression dans son quartier. Une histoire que je n'ai jamais vraiment crue. Il y avait trop de zones d'ombre.

« Et où va-t-il dormir ? Dans la chambre d'amis ? »

Elle évite mon regard.

« Non... La chambre d'amis est en travaux. Je pensais... il pourrait prendre ta chambre. Juste pour l'été. Toi, tu pourrais aller dans le pigeonnier. »

Le pigeonnier. Une petite pièce aménagée au-dessus du garage. Froide en hiver, étouffante en été.

Ma chambre. La chambre que nous avions décorée ensemble, Chloé et moi, quand nous avions treize ans. Sur le mur, il y a une grande fresque que nous avons peinte. Un paysage des Cévennes, là où est enterré mon père. C'est mon seul refuge.

Les commentaires explosent.

« C'est une décision difficile pour elle, mais c'est pour protéger Léo ! »

« Si Yanis est ici, sous ses yeux, il ne pourra pas s'en prendre à Léo par vengeance ! L'héroïne est si intelligente ! »

« Le sacrifice est énorme, mais l'amour demande des sacrifices. »

Le sacrifice. C'est toujours moi qui me sacrifie.

« Non. C'est hors de question. »

« Léo, s'il te plaît. Ne rends pas les choses plus difficiles. C'est pour ton bien. »

« Mon bien ? Mon bien, c'est d'être le plus loin possible de lui. Et de toi. »

Les mots sont sortis avant que je puisse les retenir.

Son visage se décompose. Pour la première fois, je vois une vraie douleur dans ses yeux. Mais elle est vite remplacée par de la colère.

« Très bien. Fais comme tu veux. Mais ne viens pas te plaindre si les choses tournent mal. »

Elle claque la porte en sortant.

Je regarde la fresque sur le mur. Notre paysage. Notre souvenir.

Et je sais qu'il est déjà en train de s'effacer.