Le dîner de famille. Mon père a ouvert une bouteille de son meilleur vin. L'ambiance était joyeuse. On parlait du temps, des vignes, de mon travail à Paris.
Soudain, mon père a levé son verre.
« Au fait, quand est-ce que Jacques nous rejoint ? Il m'avait promis de m'aider avec l'assemblage de cette année. »
J'ai failli m'étouffer avec mon pain.
Ma tante Sophie, une enseignante pleine de vie, a applaudi.
« Oh oui, Jacques ! Ça fait si longtemps ! J'espère qu'il nous racontera une de ses histoires. »
Mon oncle Pierre, un fermier pragmatique, a hoché la tête.
« C'est un bon travailleur, ce garçon. Il a des mains en or. »
Tout le monde parlait de lui. Comme s'il venait de quitter la pièce. Ma cousine Claire, une infirmière avec qui j'ai toujours été proche, a même ajouté :
« Lucie l'adore. Elle demande toujours après son oncle Jacques. »
Je les regardais, un par un. Leurs visages étaient sincères. Leurs souvenirs semblaient réels.
J'ai posé ma fourchette. Ma voix a tremblé un peu quand j'ai parlé.
« Je suis désolée, mais... je ne me souviens pas de Jacques. »
Un silence est tombé sur la table. Tous les regards se sont tournés vers moi. Ce n'était pas de la colère, mais de l'inquiétude.
Mon père a froncé les sourcils.
« Comment ça, tu ne te souviens pas ? Amélie, c'est Jacques. Ton cousin. »
« Mais de qui parlez-vous ? À quoi ressemble-t-il ? »
C'est là que tout est devenu encore plus étrange.
« Il est grand et costaud, a dit mon père. Un vrai docker de Marseille, le visage buriné par le soleil. »
Ma tante Sophie a secoué la tête en riant.
« Pas du tout ! Jacques est mince, presque fragile. Il a des lunettes et il est toujours plongé dans un livre. Il étudie la littérature à la Sorbonne. »
Ma cousine Claire les a interrompus.
« Vous vous trompez tous les deux. Jacques est plutôt rond, un bon vivant qui adore manger. Il est très drôle. »
Trois descriptions. Trois personnes complètement différentes. Mais ils parlaient tous du même « Jacques ».
Ils ont commencé à se disputer, chacun défendant sa version. Pour moi, la vérité était claire : quelque chose de terrible se passait dans cette maison.