Le bruit de la porcelaine se brisant sur le carrelage m'a fait sursauter. Je venais de rentrer, épuisée par une journée de pige, et la première chose que j'ai vue, c'est Hugo, le visage déformé par la colère.
La table basse était renversée. Les débris du service à thé de ma grand-mère gisaient partout.
« Il est presque minuit, Chloé ! »
Sa voix a claqué dans le petit appartement.
« Je t'attends depuis des heures. Tu te fiches de moi ? »
J'ai regardé le désastre. Ce service à thé était la seule chose de valeur que ma grand-mère m'avait laissée. Mon cœur s'est serré.
Devant moi, des lignes de texte transparentes ont commencé à apparaître, flottant dans l'air.
Hugo a attrapé sa veste et a claqué la porte. Le bruit a résonné dans le silence de l'appartement.
Les commentaires ont continué à défiler.
D'habitude, j'aurais obéi. J'aurais enfilé mes chaussures, couru dans la rue, l'aurais trouvé et me serais excusée. Mais ce soir, une fatigue immense m'a envahie. Une fatigue plus lourde que la culpabilité.
Pour la première fois, j'ai ignoré les commentaires.
Lentement, je me suis agenouillée et j'ai commencé à ramasser les morceaux de porcelaine, un par un. Chaque fragment était un souvenir.
Soudain, on a frappé doucement à la porte.
« Chloé ? C'est Monsieur Dubois, votre voisin. J'ai entendu du bruit. Tout va bien ? »
J'ai ouvert la porte. Le vieil artisan à la retraite m'a regardée avec inquiétude, ses yeux se posant sur mes mains tremblantes et les débris au sol.
« Ce jeune homme... il ne devrait pas crier comme ça. Vous avez l'air pâle. »
Sa simple inquiétude était comme une goutte d'eau dans un désert. C'était la première voix, autre que les commentaires, que j'entendais depuis longtemps.
J'ai hoché la tête, incapable de parler.
« Prenez soin de vous, ma petite, » a-t-il dit avant de repartir.
J'ai refermé la porte et je me suis appuyée contre, le corps vidé de toute force.