Je suis partie cette nuit-là. J'ai pris un taxi pour l'aéroport de Bordeaux-Mérignac et j'ai acheté un billet pour le premier vol vers Paris.
Pendant que l'avion décollait, je regardais les lumières de la ville disparaître sous moi. Cinq ans de ma vie. Cinq ans à essayer d'être la femme parfaite pour un homme qui ne me voyait même plus. J'avais abandonné ma carrière, mes amis, ma ville. Pour rien.
Le sentiment n'était pas de la tristesse. C'était un soulagement. Froid et absolu.
Arrivée à Paris, l'air familier de la ville m'a fait l'effet d'une bouffée d'oxygène. J'ai pris une chambre d'hôtel et j'ai dormi douze heures d'affilée.
Le lendemain matin, j'ai appelé la seule personne qui pouvait m'aider.
« M. Dubois ? C'est Amélie. »
M. Dubois avait été mon mentor, le directeur de la prestigieuse galerie où j'avais fait mes débuts. Un homme exigeant, mais juste, qui avait toujours cru en mon talent.
« Amélie ! Mon Dieu, ça fait une éternité. J'ai vu votre post Instagram. J'espère que vous allez bien. »
Sa voix était chaleureuse, sans jugement.
« Je vais bien. En fait, je suis à Paris. Et je cherche du travail. »
Il y a eu un silence à l'autre bout du fil. Puis il a ri, un rire franc.
« Le timing est une chose amusante. J'ai justement quelque chose pour vous. Ce n'est pas à Paris, par contre. C'est à Lyon. »
Il m'a parlé d'une nouvelle exposition d'art contemporain. Un projet ambitieux, un budget énorme, mais un artiste principal notoirement difficile à gérer. L'ancien commissaire venait de démissionner.
« C'est un panier de crabes, Amélie. Un vrai défi. Mais si quelqu'un peut le faire, c'est vous. »
« J'accepte. »
Je n'ai pas hésité une seconde. C'était exactement ce dont j'avais besoin. Un problème si grand qu'il effacerait tous les autres.
« Parfait. Je vous envoie le contrat. Bienvenue à nouveau parmi nous, Amélie. Vous nous avez manqué. »
En raccrochant, j'ai senti une étincelle que je croyais éteinte depuis longtemps.
Deux jours plus tard, j'étais à Lyon. J'ai loué un petit appartement meublé dans le quartier de la Croix-Rousse. C'était minuscule comparé à la maison de Bordeaux, mais chaque centimètre carré m'appartenait.
J'ai acheté une nouvelle carte SIM. J'ai bloqué le numéro de Julien, celui de Chloé, celui de Mathieu, son meilleur ami qui m'avait envoyé une dizaine de messages pour "arranger les choses".
Ma nouvelle vie commençait. Le travail était intense, épuisant. L'artiste était un génie paranoïaque, les sponsors étaient nerveux. J'étais dans mon élément.
Pour la première fois depuis cinq ans, je n'étais plus la femme de Julien. J'étais à nouveau Amélie.