Chapitre 2

Mon café est devenu froid dans mes mains. Le souvenir est revenu, clair et brutal.

Le point de rupture.

Notre cinquième anniversaire de mariage.

J'avais passé les trois derniers jours à l'hôpital américain de Paris, au chevet de son père. Il venait de subir une opération à cœur ouvert. Éléonore n'était pas là.

Elle était à Bordeaux, dans leur château.

Elle organisait une fête somptueuse pour le retour d'Antoine, son amour de jeunesse.

Le père d'Éléonore, un homme que je respectais profondément malgré son caractère bourru, était réveillé. Une infirmière venait de lui apporter les magazines. Il a ouvert Paris Match.

Et la photo était là, en double page.

Éléonore, radieuse dans une robe de créateur, riant aux éclats dans les bras d'Antoine. Le titre criard : « Éléonore de Védrines et Antoine de Valois : la flamme ravivée au cœur des vignes ».

J'ai vu la douleur dans les yeux de mon beau-père. Ce n'était pas à cause de ses cicatrices chirurgicales.

Il a lentement tourné la page. Il a regardé la photo, puis m'a regardé, assis sur une chaise inconfortable à côté de son lit.

Sa voix était faible, mais ses mots étaient d'une clarté de cristal.

« Julien. »

« Oui ? »

« Tu es un homme bien. Trop bien pour elle. »

Il a toussé, une quinte sèche qui a secoué son corps fragile.

« Je suis désolé. Je suis tellement désolé. Je l'ai mal élevée. Je lui ai tout donné, sauf des valeurs. »

Il a tendu une main tremblante vers sa table de chevet et a pris un carnet de chèques. Il a griffonné quelque chose, a arraché la page et me l'a tendue.

« Prends ça. Quitte-la. Fais-le pour toi. Tu mérites d'être heureux. »

Je n'ai pas regardé le chèque. J'ai juste hoché la tête, la gorge serrée. Son approbation était la seule chose qui comptait. C'était la permission dont j'avais besoin.

En sortant de l'hôpital, j'ai appelé mon avocat.

Le lendemain, j'ai déposé une demande de divorce pour faute, citant l'adultère public d'Éléonore.

Sa première réaction, quand elle a reçu la notification, a été un simple message texte.

« Arrête ton cirque, Julien. C'est ridicule. »

Elle pensait que c'était une autre de mes tentatives pour attirer son attention.

Elle n'avait pas compris.

Cette fois, c'était la fin.