Le lundi matin a commencé par une annonce qui a glacé tout le bureau.
Le cabinet d'architectes pour lequel je travaillais, l'un des plus respectés de Paris, venait d'être racheté.
La nouvelle propriétaire n'était autre que la holding familiale de mon ex-femme, Éléonore.
Mes collègues chuchotaient, excités et nerveux.
« Tu as vu qui est la nouvelle patronne ? Éléonore de Védrines. La reine du vin de Bordeaux. »
« On dit qu'elle est impitoyable en affaires. »
Je suis resté silencieux à mon bureau, le regard fixé sur les plans d'un nouveau musée. Je sentais un poids dans ma poitrine.
À onze heures précises, elle est entrée.
Éléonore portait un tailleur-pantalon d'un blanc immaculé qui devait coûter plus cher que ma voiture. Elle n'a pas souri. Ses yeux ont balayé la pièce avant de se poser sur moi.
Il n'y avait aucune surprise dans son regard, seulement une froide assurance.
Elle s'est adressée à tout le monde.
« Bonjour. Je suis Éléonore de Védrines. Il y aura quelques changements. »
Puis, elle s'est tournée directement vers moi, sa voix claire et tranchante.
« Julien. Mon bureau. Maintenant. »
Je l'ai suivie sans un mot. L'ancien bureau de notre directeur avait été transformé. Il était maintenant minimaliste, froid, comme elle.
Elle s'est assise derrière l'immense bureau de verre et m'a fait signe de m'asseoir en face.
« J'ai regardé les plannings. Ce week-end de team building en Normandie, c'est annulé. »
J'ai froncé les sourcils.
« C'est prévu depuis des mois. L'équipe en a besoin. »
« L'équipe a besoin de travailler. Le projet du groupe Lavigne est en retard. Tu resteras ici ce week-end pour le finir. »
Ce n'était pas une demande. C'était un ordre.
Je l'ai regardée, essayant de déceler une trace de l'ancienne Éléonore, celle que j'avais aimée. Il n'y avait rien.
« Bien. »
C'est tout ce que j'ai dit.
Quand je suis retourné à ma place, le silence était lourd. Mes collègues m'ont regardé avec un mélange de pitié et de curiosité.
Plus tard, à la machine à café, j'ai entendu des bribes de conversation.
« Elle est dure avec lui, non ? »
« Peut-être qu'elle veut juste lui montrer qui commande. »
Puis une autre voix, plus douce, celle de Sophie, une jeune stagiaire.
« Ou peut-être qu'elle l'aime encore. C'est une façon d'attirer son attention, non ? Elle l'empêche de partir pour le garder près d'elle. »
J'ai senti un rire amer monter en moi.
L'aimer encore.
Ils ne savaient rien.
Je me suis retourné vers eux, une tasse de café noir à la main.
« Elle n'essaie pas de me garder. Elle est mon ex-femme. Et nous avons divorcé pour faute. Sa faute. »
Leurs visages se sont figés. Le choc était total.
Oui, ils ne savaient rien du tout.