L'Échiquier de Chloé
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Chapitre 4

La marginalisation de Léa a atteint son paroxysme. Elle n'était plus invitée aux dîners que j'organisais avec "Les survivantes" et leurs copains. Hugo venait seul, se plaignant un peu au début, puis finissant par admettre que "l'ambiance était plus détendue sans elle".

Elle a senti le pouvoir lui échapper. Et comme tous les manipulateurs acculés, elle a sorti l'artillerie lourde.

C'était le soir de l'anniversaire d'Hugo. J'avais réservé une table dans un restaurant étoilé, une surprise que je préparais depuis des semaines. J'avais mis une robe en soie, j'avais l'air de la parfaite amoureuse. Hugo était ravi.

Au milieu du repas, son téléphone a vibré. Encore et encore. Il a fini par regarder. Son visage a changé.

« Merde. C'est Léa. »

Il m'a montré son écran. C'était une story Instagram. Une vidéo d'elle, en larmes, sur le Pont des Arts. Le vent fouettait ses cheveux, le mascara coulait sur ses joues.

« Je n'en peux plus... » sanglotait-elle face caméra. « On essaie de me détruire, de m'isoler... Je crois que je vais juste sauter. C'est plus simple. Au moins, là, je ne dérangerai plus personne. »

C'était du grand spectacle. Une performance digne d'un Oscar.

Hugo a blêmi. « Il faut que j'y aille. »

« Hugo, attends. Tu vois bien que c'est de la comédie. »

« De la comédie ? Chloé, elle veut se suicider ! C'est ma meilleure amie, je ne peux pas la laisser faire ça ! »

Il s'est levé, a jeté sa serviette sur la table. Il n'a même pas regardé la bougie scintillante sur le dessert que le serveur venait d'apporter.

« Je suis désolé. »

Et il est parti. En courant. Me laissant seule dans ce restaurant luxueux, sous le regard apitoyé des autres clients.

Je suis restée assise, parfaitement calme. J'ai fini mon verre de vin. La colère d'Hugo, sa crédulité, sa loyauté aveugle envers elle... tout cela était familier. C'était un écho douloureux du passé.

Je me suis souvenue du jour où le père de Léa a agressé Manon dans la cage d'escalier de leur immeuble. Manon, en état de choc, m'avait appelée. J'étais arrivée avant même la police. Quand Léa et Hugo étaient arrivés, Manon était prostrée, en larmes.

Léa n'avait pas consolé son amie. Elle avait hurlé. Elle avait dit que Manon mentait, qu'elle avait toujours été amoureuse de son père, qu'elle essayait de détruire leur famille. Et Hugo, son petit ami de l'époque, l'avait crue. Il avait regardé Manon avec dégoût.

Leur trahison a été le coup de grâce. Quelques semaines plus tard, Manon a avalé une boîte de somnifères.

La tentative de suicide de Léa sur le pont était une parodie grotesque de la véritable tragédie de Manon. Et Hugo, une fois de plus, avait choisi son camp.

Je suis rentrée dans ma petite chambre de bonne. Mon téléphone a sonné. C'était Antoine.

« Il est parti, n'est-ce pas ? »

« Oui. »

« Tu tiens le coup ? »

« Mieux que jamais, » ai-je répondu, ma voix glaciale. « La deuxième phase peut commencer. »

                         

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