Dans ma première vie, je suis morte vieille, dans un lit d'hôpital à Lyon.
Louis, mon mari, tenait ma main droite.
Mathieu, mon meilleur ami, tenait ma main gauche.
Leurs visages étaient ridés, leurs cheveux blancs. Ils pleuraient.
J'ai fermé les yeux avec un sentiment de paix. J'avais eu une vie parfaite.
Puis, je les ai rouverts.
J'avais de nouveau dix-huit ans.
L'odeur de la craie et du vieux bois du lycée flottait dans l'air.
C'était le jour des résultats de Parcoursup.
Mon téléphone a vibré sur mon bureau. Un message de Louis.
« J'ai eu Henri IV ! Et toi ? »
Un autre de Mathieu.
« Louis-le-Grand pour moi ! On se retrouve tous à Paris ! »
Mon propre écran affichait mon admission dans la même prépa HEC que Louis.
Dans ma vie passée, ce jour avait été le début de notre bonheur. Nous avions fêté ça tous les trois, criant notre joie dans les rues de Lyon.
Cette fois, un frisson m'a parcouru le dos.
Quelque chose n'allait pas.
Je me suis levée, le cœur battant. J'ai traversé le couloir bondé d'élèves en liesse.
Je les ai vus près des casiers.
Louis. Mathieu.
Mais ils n'étaient pas seuls.
Amandine était avec eux. Elle pleurait.
Dans ma vie d'avant, Amandine était une fille discrète, presque invisible. Elle avait raté son bac, puis on n'avait plus jamais entendu parler d'elle.
Maintenant, Louis la tenait par les épaules.
Mathieu lui tendait un mouchoir.
Leurs visages n'exprimaient aucune joie pour leurs admissions. Seulement de l'inquiétude.
Pour elle.
J'ai senti un vide glacial s'installer dans ma poitrine.
Ma nouvelle vie commençait, mais mon monde s'était déjà effondré.