Dans les bras du Wendigo
img img Dans les bras du Wendigo img Chapitre 2 Chapitre 2
2
Chapitre 6 Chapitre 6 img
Chapitre 7 Chapitre 7 img
Chapitre 8 Chapitre 8 img
Chapitre 9 Chapitre 9 img
Chapitre 10 Chapitre 10 img
Chapitre 11 Chapitre 11 img
Chapitre 12 Chapitre 12 img
img
  /  1
img

Chapitre 2 Chapitre 2

Je devrais en être rassuré et vite me redresser pour le saluer. Ledit Lincoln est là en chair et en os, disposé à me vendre l'un de ses chiots sans doute parfaits. C'est pourquoi je suis ici, c'est mon rêve le plus cher en train de se réaliser... mais je n'arrive même pas à lever les yeux. Mes billes émeraude se perdent plutôt dans le vide, peu courageuses. Que se passe-t-il, nom de Dieu? Je n'ose pas découvrir le visage de cet homme, plus haut. J'en suis tout bonnement incapable. Ma gorge est nouée, mes muscles sont crispés et j'ai la peur au ventre...

Il ne s'agit plus de mon habituelle timidité maladive ou de ma méfiance parfois excessive à l'égard des gens. Une force intérieure semble plutôt avoir pris le contrôle de mon être, m'avertissant clairement d'un danger et m'ordonnant de me tenir à carreau face à cet individu. Impossible de raisonner ou de sortir de ma paralysie. J'ai l'impression de perdre contact avec la réalité tant tout devient flou autour de moi. Des pensées complètement tordues surgissent d'autant plus dans mon esprit. Elles m'interdisent d'essayer de fuir ou de lutter. Tout ce que je sais, c'est que je dois garder mon sang froid et... me soumettre à lui.

- Tu t'es égaré, gamin?

Je n'entends plus les quinze bêtes qui s'animent ni la pluie battante dans la cour. Seule cette voix affreusement grave résonne tout à coup dans mon crâne. Autoritaire et interrogatrice, elle incite finalement le contact visuel malgré ma réticence. Je déglutis donc péniblement en levant le regard avec lenteur démesurée. Naturellement, c'est d'abord la silhouette hallucinante de ce type que je parcoure. Ses vêtements mouillés, dont son t-shirt gris chiné, collent à sa peau aguerrie et moulent ses muscles monstrueux. Les obliques de sa taille costaude, puissante se dessinent ainsi sous le tissu. Ce sont ensuite les épais sillons de ses abdominaux et pectoraux développés à l'extrême qui me sautent aux yeux. Longeant chaque côté de son corps herculéen, ses bras sont zébrés d'impressionnantes veines tant ils sont bâtis. Le spectacle est à couper le souffle... et terrifiant. Quand je rencontre enfin sa figure après avoir gravi sa gorge massive, l'image déjà surhumaine qu'il projette se renforce. Il possède vraiment les mêmes iris ambre, perçants et sauvages que ses animaux – ce qui est pour le moins troublant. Une mystérieuse lueur, ardente comme des flammes dansantes, y brille d'ailleurs. Je devine aussitôt qu'il m'observe intensément depuis un long moment, figé juste là, comme une statue de pierre. Comment n'ai-je pas senti cette inquiétante présence si écrasante avant?

J'entrouvre les lèvres, tentant désespérément d'articuler une réponse... en vain. Beaucoup trop attentif à mes moindres faits et gestes, l'inconnu se met alors à fixer ma bouche muette et fébrile. Son expression tellement sérieuse et captivée est indéchiffrable. L'eau tiède qui tombe éternellement du ciel ne le gêne d'ailleurs pas du tout; ses cheveux d'un noir lustré en sont imbibés. Assez longs et en bataille au sommet de sa tête, ils sont plutôt courts sur le reste de son crâne. Mes yeux divaguent sur sa large mâchoire carrée, à l'angle mandibulaire bien défini. Elle est assombrie par une barbe drue qui dégouline sans relâche... À travers mon effroi et ma profonde confusion, je ne peux pourtant pas m'empêcher d'admirer ce titan. Sa beauté purement virile et sa stature pharamineuse ont raison de moi. Il me subjugue d'une manière profonde et viscérale, à tel point que je redoute un pouvoir surnaturel. Après tout, depuis qu'il m'est apparu, plus rien ne me semble normal... J'hésite de nouveau à me pincer pour savoir si tout ça est vraiment réel!

Soudain, il fonce en ma direction d'un pas à la fois assuré et pressé. Voilà qui m'arrache un violent hoquet de surprise. La peur qu'il a fait naître en moi avant même que je ne l'aperçoive se décuple sur-le-champ. Au fur et à mesure qu'il avance, mon nouvel et inexplicable instinct me contrôle de plus belle. Je me laisse ainsi tomber à l'arrière, mes fesses atterrissant d'une traite sur le bois du balcon. Ni une ni deux, je niche mes bras contre mon ventre et le chien-loup que je caressais fiche finalement le camp. Les escaliers craquent déjà sous le poids lourd de l'homme, que je devine âgé d'au moins une trentaine d'années... Mon minois blêmit, mes billes émeraude s'arrondissent et s'écarquillent alors comme jamais. Si je sens vite son ombre imposante m'engloutir, je ne le vois toutefois pas monter ni me surplomber. La nuque et le dos voûtés, je garde plutôt la tête affreusement basse. Mon regard vide fixe désormais mes jambes, l'une d'elles allongée et l'autre au genou encore plié en hauteur. Tétanisé, incapable de comprendre ce qu'il m'arrive ou ce que je suis en train de faire, je demeure parfaitement immobile... Seuls de vifs tremblotements secouent les membres de mon corps recroquevillé et trahissent d'autant plus mon état bouleversé.

Du coin de l'œil, je ne fais que guetter avec crainte évidente ces grosses semelles couvertes de boue. Elles marchent maintenant autour de moi d'un pas beaucoup trop lent, lascif. Ça ne fait aucun doute, le type agit d'une manière incroyablement bizarre lui aussi. Il me dévore des yeux sous tous les angles possibles, je le sens... Quand je l'entends même humer l'air à pleins poumons, comme s'il reniflait avidement mon odeur, j'ai vraiment l'impression que je vais perdre connaissance. Mes paupières se closent alors sèchement. Je pousse un gémissement presque douloureux tant une violente faiblesse physique m'envahit, tout à coup. Les choses me dépassent à un point tel que j'ai la tête qui tourne. Tout ce que je veux, c'est que cette folie s'arrête, que tout redevienne normal...

- Hé, hé... Du calme, gamin. Je ne vais pas te faire de mal.

Il pose une main sur mon épaule, qui semble alors diablement petite et frêle entre ses doigts... Ces derniers, larges et forts, serrent pourtant ma chair avec une délicatesse étonnante. Sa paume me transmet aussi son intense chaleur corporelle et m'apaise instantanément, comme par magie. J'ignore comment, mais je perçois et ressens une sincérité profonde dans sa voix rauque. Après tout, elle se montre désormais si posée et réconfortante... Me rendant seulement compte que je ne respirais plus, voilà que je prends une grosse bouffée d'oxygène comme si je venais d'enfin sortir ma tête de l'eau. Mes yeux se rouvrent alors à peine, clignant à quelques reprises tandis qu'on secoue à présent mon épaule. Le geste toujours aussi doux semble encore une fois bienveillant et parvient à me rassurer davantage. Mes muscles crispés par la peur se relâchent donc un peu, mais je n'arrive toujours pas à interagir avec le colosse. Son étrange et surtout puissante énergie ne cesse de m'intimider.

- Qu'est-ce que tu viens faire ici, mmh?

- Je viens pour les chiots...

Au bout d'une éternité, mes lèvres pétrifiées réussissent à bouger. Je balbutie ces quelques paroles, si basses que j'ignore s'il les entend. On dirait bien que oui puisqu'il réagit alors très vite. Tout à coup, sa paume lourde attrape plutôt ma mâchoire et la presse fermement. Sa peau rude, que la pluie a rendue humide, entre en contact avec celle lisse de ma figure. Il me force, sans la moindre brutalité cependant, à lever la tête et le regarder dans les yeux. C'est un ordre qu'il n'a pas besoin de prononcer. Je peux tout bonnement le sentir, en lui et dans l'air autour : il exige que je lui offre mon regard, là, tout de suite... J'obéis d'emblée malgré la réticence naturelle que j'éprouve et j'ouvre grand mes iris émeraude. Les siens orangés m'apparaissent alors directement, beaucoup plus haut. Son dos musculeux bien courbé à l'avant, il s'est en effet agenouillé pour mieux se pencher sur moi. Nos souffles chauds se croisent ainsi de près, se mélangeant et dansant ensemble au milieu de l'atmosphère pluvieuse.

- Tu viens... pour les chiots?

- Oui.

- Vraiment?

Ses yeux de feu sont d'abord plissés, affreusement attentifs et scintillants d'un sérieux monstre. Ils s'arrondissent ensuite tandis qu'il hausse un sourcil, de toute évidence sceptique. Son expression devient même un peu goguenarde, comme s'il trouvait ça amusant ou je-ne-sais-quoi... Me revoici bouche-bée et plongé en pleine confusion. Mes cils en battent à vive allure et mon cœur aussi. La situation sans queue ni tête me laisse toujours sous le choc et par-dessus tout, les traits beaucoup trop séduisants du trentenaire m'hypnotisent en ce moment... C'est quelque chose de violent qui me terrasse à l'intérieur. Lorsque j'ai à mon tour envie d'humer son odeur, cet enivrant parfum de pure testostérone, je crois que j'ai perdu l'esprit pour de bon. Nom de Dieu! À travers ma gorge tendue, je déglutis alors péniblement. Une faible moue crispée se dessine sur ma bouche encore muette, fébrile. Maintenant que le contact visuel entre nous est établi, je n'arrive plus à le rompre. Perdu dans les tréfonds de ses si uniques prunelles chaudes et intenses, je suis complètement absorbé par cet homme. Il est... différent, sans le moindre doute. Impossible de l'expliquer, mais je sais qu'il n'est pas comme les autres êtres humains ayant croisé mon chemin jusque-là. Il ne leur ressemble en rien. Le drôle d'instinct qu'il a lui-même fait naître en moi me le murmure.

Si je suis encore profondément troublé, la peur, elle, m'a presque quitté. Encore une fois, j'ignore comment, mais je ressens qu'il ne me fera pas de mal. Ce type est un inconnu, au comportement assez louche d'ailleurs. Avec une carrure pareille, il pourrait me faire la peau en moins de deux s'il en avait envie... chez lui, au milieu de nulle part, en plus! Pourtant, le ton de sa voix, son toucher ainsi que son énergie ne me semblent maintenant en rien hostiles ou perfides. Il dégage plutôt une curiosité très pesante à mon égard : son regard, ses gestes et même ses mots sont empreints par l'intérêt. Tout à coup, ses doigts explorent mon visage et j'ai l'impression que leurs mouvements sont... sensuels, débordants de désir. En effet, son index remonte jusqu'à mon lobe d'oreille dans une caresse suave. Pendant ce temps, son pouce trop lent et langoureux presse ma lèvre inférieure. Le puissant frisson qu'il m'arrache alors me met mal à l'aise et me pousse finalement à réagir.

- C'est moi, Jamie. Jamie I'Anson. Tu sais, pour les chiots... Je viens juste de t'envoyer un texto, d'ailleurs.

Depuis toujours, je suis du genre réservé avec les gens. Pourtant jamais, au grand jamais, je n'ai été aussi timide avec quelqu'un qu'avec lui. Je parle si bas que je ne m'entends même pas. Au moins, je réussis enfin à ouvrir la bouche, pas vrai? Quelle honte... D'une main beaucoup moins ferme que la sienne, j'attrape son poignet costaud et tire à peine dessus. Je lui demande ainsi silencieusement de me libérer, tout en tentant de détourner la tête. Mes yeux désespérés se posent sur mon téléphone juste derrière, encore par terre sur le balcon.

- Je suis désolé. Les chiens m'ont surpris et, et...

Je ne sais plus du tout quoi dire ou penser. Naturellement, je n'ose pas avouer que c'est lui qui m'a fichu la trouille... ni que sa façon de me regarder et de me toucher me perturbe. C'est vrai, pourquoi est-il resté là à me fixer sans me saluer, quand je flattais ses bêtes plus tôt? Ses doigts emprisonnent de plus belle ma mâchoire et grimpent jusqu'à mes joues, que je sens bien chaudes et rougies. Je pousse un long soupir anxieux tandis qu'il attire de nouveau ma figure vers lui. Nos prunelles se retrouvent donc, comme il l'exige, et ma prise se resserre aussitôt autour de son bras veineux. Sa peau est d'ailleurs brûlante et d'une épaisseur, d'une dureté incroyable... Les sourcils froncés, le séduisant barbu recommence à me scruter, à m'analyser. Ce sérieux beaucoup trop intense et intimidant a repris possession de ses traits virils. J'ai l'impression qu'il cherche à lire la vérité au fond de mes yeux, ayant de toute évidence du mal à me croire. Je n'y comprends rien... Ai-je une autre raison d'être ici? Bien sûr que je viens pour les chiots à vendre, bon sang!

- Oh, tu n'as pas peur d'eux. Je n'ai même jamais vu quelqu'un capable d'apprivoiser Nanuq comme tu l'as fait... Fascinant.

Comme s'il réalisait soudainement un truc, comme s'il assimilait finalement ce que je lui répète, il change d'attitude d'une traite. Son expression et sa voix si incrédules s'envolent alors. Tout à coup, j'ai même l'impression qu'il s'efforce de faire mine de rien... Il prononce lentement ces gentilles paroles en me couvrant d'un regard beaucoup moins lourd. Une excitation indéfinissable le crispe, je peux le percevoir, mais il tâche visiblement de paraître plus détendu. Voilà qu'il délivre mon minois après une éternité pour maintenant glisser sa main sous mon bras. Toujours à travers des gestes à la fois fermes et précautionneux, il agrippe mon aisselle puis m'aide à me remettre sur pieds en se levant lui-même. Mon cœur douloureux loupe un battement pendant qu'on se retrouve ainsi debout, l'un auprès de l'autre. Oh, non... Pas ça, par pitié! Je peine à tenir sur mes jambes encore faiblardes tant une gêne, un embarras insoutenable m'envahit davantage. Ce type est un satané géant et j'ai l'air affreusement ridicule à côté de lui. C'est vrai, je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi grand et – une fois de plus – ça me semble surréel. Il doit bien faire deux mètres et ses pectoraux me frôlent le nez. Déjà complexé par ma petite taille, je suis en train de vivre mon pire cauchemar...

La tête et les épaules basses, je ne bouge donc pas d'un poil. Mes bras trop rigides pendent chaque côté de ma jeune silhouette masculine. Celle-ci a d'ailleurs l'air plus svelte que jamais devant une telle montagne de muscles... Timide, je fixe mes baskets plantées sur le balcon, en proie à cette continuelle paralysie insurmontable. L'étranger, que je présume Lincoln, me fait vraiment perdre mes moyens et je rêve d'enfin me ressaisir. Pourtant, lorsqu'il se recule d'un pas généreux pour me laisser respirer, la chaleur si intense qu'il dégage me manque tout à coup... Je me souviens alors qu'il pleut, que la soirée avance et qu'il commence à faire frisquet. Du coin de l'œil, je guette le maître des lieux tandis qu'il me contourne. Quand il se penche afin d'attraper mon smartphone au sol, je devine qu'il va me le rendre et j'essaie de me redresser un peu. En effet, il ne tarde pas à venir le glisser entre mes doigts mollasses qui se resserrent dessus.

- Tiens, Jamie. Je suis désolé. Je t'ai fait une peur bleue, pas vrai?

- Non, ça va. C'est moi qui m'excuse... Je ne comprends pas ce qu'il m'a pris. Je crois que j'ai eu un malaise. Je n'en sais rien...

Toujours désorienté, embarrassé, je range mon téléphone dans ma poche. Ressentant une vive fatigue mentale, je gratte ensuite mon cuir chevelu d'un geste presque triste. Cela dit, les derniers mots qu'on m'adresse m'enlève finalement ce poids des épaules. Ils parviennent miraculeusement à me détendre un tantinet et l'atmosphère semble s'alléger d'une traite. J'arrive alors à parler plus franchement et me demande vite si je n'ai pas imaginé tout ça : cet instinct et ses intuitons inconcevables, l'aura asservissante émanant du colosse, les émotions beaucoup trop intenses auxquelles j'ai été soumis... Ai-je seulement vécu une terrible crise de panique, à la vue d'un individu pour le moins impressionnant et surtout effrayant au premier abord? Il se montre si décontracté et prévenant avec moi, à présent. Peut-être qu'il était juste étonné de me voir interagir ainsi avec ses chiens, comme il vient de le dire. Peut-être que mon propre comportement bizarre a suscité le sien par la suite... Est-ce mon anxiété et ma paranoïa qui, au milieu de cet inquiétant trou perdu, m'ont joué un mauvais tour? Quant à l'ambiance que je jurerais érotique entre nous, dois-je blâmer mes fantasmes refoulés en présence d'un tel homme au sex-appeal écrasant?

- Hé, ne t'en fais pas, gamin. Tu veux rentrer et t'asseoir un peu?

Mes mille et un doutes sont de très courte durée. En effet, ils disparaissent à une vitesse éclair – encore plus rapidement qu'ils sont apparus. Le trentenaire me touche de nouveau, ses doigts presque affectueux à mon égard tapotant maintenant l'un de mes bras... Le geste est bref, mais je le sens avide de contact. Dès lors, malgré mon épouvantable timidité, je lève le menton assez haut pour retrouver ses incroyables yeux ambre. J'y vois alors briller quelque chose de fou, quelque chose qui réduit à néant l'espoir d'avoir moi-même tout inventé. Lui là, il est bel et bien différent, voire anormal... sans pour autant être mauvais ou dangereux. C'est vrai, je n'ai plus l'impression qu'il représente une menace désormais. J'ignore tout bonnement ce qu'il est, même si mon subconscient en a apparemment une vague idée puisque j'y suis si sensible.

- C'est toi, Lincoln?

Je pose une question sans même répondre à la sienne, ces trois paroles intriguées sortant de ma bouche en une fraction de seconde. Le véritable titan hausse d'abord un sourcil, avant d'hocher la tête avec lenteur. Il acquiesce d'autant plus d'un simple et bas « mmh-hm » presque ronronné tandis qu'un rictus naît sur ses lèvres sèches. Je me rends alors compte de ma propre curiosité à son égard. Ça semble lui plaire... Ma bouille masculine s'empourpre de plus belle et je m'empresse tout à coup de me détourner, rivant plutôt mes billes vertes vers la cour. Les chiens-loups y sont toujours, la plupart d'entre eux nous observant pendant que les plus jeunes gambadent naïvement. Ma voiture est juste à côté et l'idée de partir immédiatement m'effleure l'esprit. Après tout, il y a un truc qui cloche chez ce type. Ce drôle d'instinct en moi se manifeste d'ailleurs encore, même si j'essaie de l'ignorer. À travers les battements de mon cœur fiévreux, il me chuchote que ma vie entière est sur le point de changer... Je rassemble pourtant mon courage à l'aide d'une profonde inspiration un peu trop bruyante. En effet, j'ai déjà pris la décision de rester – ce qui ne me ressemble en rien. Je me fais croire que c'est parce que je veux absolument adopter un chiot ce soir, mais en vérité, j'ai aussi l'envie viscérale de faire connaissance avec Lincoln. Il est si mystérieux, attirant... Je demeure toutefois prudent et surtout pudique.

- C'est très gentil, mais non merci. Je vais mieux, vraiment... et je suis impatient de voir les chiots.

            
            

COPYRIGHT(©) 2022