Elle vit Antoine s'approcher, attiré par leur conversation.
"Un problème, mon amour ?" demanda-t-il à Camille.
"Non, chéri. Je demandais juste à Amélie de m'aider avec ma traîne. Elle est si dévouée."
Antoine regarda Amélie, puis la traîne volumineuse de la robe de Camille.
Il fronça légèrement les sourcils, une brève hésitation. Peut-être trouvait-il cela excessif.
Mais Camille lui lança un regard langoureux, mêlé d'une pointe de caprice.
"S'il te plaît, Antoine. C'est une robe si précieuse."
Antoine céda, comme toujours.
Il se tourna vers Amélie, son ton neutre mais sans appel.
"Amélie, faites ce que Mademoiselle de Rohan vous demande. Assurez-vous qu'elle soit à l'aise."
Il ne voyait pas l'humiliation, ou ne voulait pas la voir. Pour lui, c'était une simple tâche d'assistante.
Amélie sentit le rouge lui monter aux joues. Elle était le centre d'attention de plusieurs invités curieux.
Se soumettre était intolérable. Refuser provoquerait une scène encore pire.
Elle se baissa donc, ramassa la lourde traîne de soie et de dentelle, et suivit Camille comme une servante, sous les regards amusés ou gênés des convives.
Chaque pas était une torture morale.
Elle entendait les chuchotements, les rires étouffés.
L'humiliation était publique, totale.
Camille ne s'arrêta pas là.
Elle prit un malin plaisir à se déplacer fréquemment, obligeant Amélie à la suivre, courbée, la traîne à la main.
Puis, elle s'arrêta près d'un buffet de boissons.
"J'ai tellement soif," dit-elle d'une voix forte. "Mais je ne dois pas trop boire d'alcool, Antoine n'aime pas ça."
Elle se tourna vers Amélie avec un sourire diabolique.
"Amélie, vous allez boire ces coupes de champagne pour moi. À ma santé, et à celle d'Antoine !"
Elle désigna une rangée de flûtes remplies.
Amélie avait une très faible tolérance à l'alcool. Une seule coupe la rendait généralement malade.
"Madame de Rohan, je ne bois pas d'alcool," tenta-t-elle de protester.
"Oh, ne soyez pas rabat-joie," insista Camille, sa voix se faisant plus dure. "C'est un ordre. Vous ne voudriez pas me désobéir, n'est-ce pas ? Antoine serait si déçu."
Elle prit une flûte et la tendit à Amélie.
Sous la pression du regard de Camille et des invités qui observaient la scène, Amélie but la première coupe. Le liquide pétillant lui brûla la gorge.
Camille lui en tendit une deuxième, puis une troisième.
"Encore ! À notre amour éternel !"
Amélie sentait déjà sa tête tourner, des nausées monter. Mais elle continuait, mécaniquement, pour éviter un esclandre.
Elle vida cinq coupes en quelques minutes.
Soudain, Camille poussa un cri perçant.
"Oh mon Dieu ! Mon collier ! Mon collier de diamants a disparu !"
Elle porta la main à son cou, feignant la panique.
C'était un collier magnifique, un cadeau récent d'Antoine, d'une valeur inestimable.
L'agitation se répandit parmi les invités.
Antoine se précipita vers elle, l'air alarmé. "Qu'y a-t-il, Camille ? Qu'est-ce qui s'est passé ?"
"Mon collier ! Celui que tu m'as offert ! Il n'est plus là ! Quelqu'un me l'a volé !" sanglota Camille, jetant un regard accusateur vers Amélie, qui se tenait à proximité, chancelante à cause de l'alcool.
"Elle était la seule assez proche de moi tout ce temps ! C'est elle ! C'est l'assistante qui l'a pris !"
Amélie la regarda, horrifiée par cette accusation.
"Non ! Je n'ai rien pris ! Je le jure !"
Sa voix était pâteuse, mal assurée à cause du champagne. Cela ne jouait pas en sa faveur.
Antoine la dévisagea, son expression dure, suspicieuse.
"Amélie, où est le collier ?"
L'innocence d'Amélie était évidente pour quiconque aurait pris la peine de la regarder sans préjugés. Mais Antoine était aveuglé par Camille.
"Je ne l'ai pas, Antoine, je vous le jure !" plaida Amélie, les larmes aux yeux.
Camille continuait de pleurer et d'accuser. "Elle est jalouse de moi, de nous ! Elle a voulu se venger !"
Pour apaiser Camille, et peut-être par une once de doute réel, Antoine prit une décision terrible.
Il fit signe aux agents de sécurité présents dans la salle.
"Fouillez Mademoiselle Dubois. Immédiatement."
Amélie recula, horrifiée. "Non ! Vous n'avez pas le droit !"
Les agents de sécurité, deux hommes massifs, s'approchèrent d'elle.
"S'il vous plaît, coopérez, Mademoiselle," dit l'un d'eux, d'un ton neutre mais ferme.
Amélie était prise au piège. L'alcool la rendait faible et confuse.
Elle se laissa faire, tremblante de honte et d'indignation.
Ils la fouillèrent sommairement, puis, ne trouvant rien, l'un d'eux, sous l'insistance de Camille qui criait "Regardez mieux ! Elle a dû le cacher sur elle !", commença à palper ses vêtements plus rudement.
Sa veste fut arrachée, son chemisier en partie déboutonné dans la précipitation.
Amélie se sentit violée, exposée. Les regards des invités étaient insoutenables.
Soudain, Camille s'exclama : "Oh ! Attendez ! Je crois que je l'ai senti tomber dans mon décolleté tout à l'heure en dansant ! Quel étourdie je fais !"
Elle plongea la main dans sa robe et en ressortit triomphalement le collier de diamants.
"Le voilà ! Quelle sotte je suis ! Je l'avais juste égaré !"
Un silence gêné tomba sur l'assemblée.
Antoine regarda Amélie, dont les vêtements étaient en désordre, le visage défait par les larmes et l'humiliation.
Il ne montra aucun remords.
"Bien. L'incident est clos," déclara-t-il d'une voix forte. "Inutile de vous excuser auprès d'elle," ajouta-t-il à l'adresse de Camille, mais assez fort pour qu'Amélie entende. "Ce n'est qu'une assistante. Un petit désagrément pour elle n'est rien comparé à votre frayeur, mon amour."
Il prit Camille dans ses bras, la réconfortant ostensiblement.
Amélie resta là, anéantie. "Ce n'est qu'une assistante." Ces mots la hantaient.