Dans la pénombre de la chapelle, un vieux prêtre, ami de Monsieur Dubois, leur parla de la foi, de la résilience. Puis, regardant Amélie avec une étrange intensité, il lui dit :
« Votre mari est un homme de grande dévotion, ma fille. Il y a quelques années, il est venu ici. Il a fait un don généreux pour la restauration de nos fresques. Il a prié longuement, avec ferveur, pour votre sécurité, pour votre bonheur. Il a même entrepris un pèlerinage à pied jusqu'à un sanctuaire lointain pour vous. »
Amélie fut troublée. Cette dévotion passée contrastait si violemment avec la trahison présente. Était-ce le même homme ?
Le prêtre continua, sa voix douce résonnant sous les voûtes.
« Plus récemment, il est revenu. Il a prié pour une autre femme, et pour ses enfants. Il a demandé des bénédictions pour eux aussi. Il semblait... partagé. »
Le choc fut brutal. La confirmation de sa duplicité, même dans la prière. La désillusion était totale. Il n'y avait aucune parcelle de sa vie qui ne soit entachée par ce mensonge.
Jean-Christophe rentra tard cette nuit-là. Il trouva Amélie endormie, ou feignant de l'être. Elle ne l'avait pas attendu. Une anxiété sourde commença à le gagner. Quelque chose n'allait pas. Il le sentait.
Le lendemain matin, il tenta de reparler du doudou, celui qu'il avait donné au fils de Victoire.
« J'ai vu un autre modèle, encore plus beau. Ou peut-être préfères-tu que nous choisissions ensemble ? »
Il mentait encore. Amélie répondit avec une indifférence glaciale.
« Peu importe. Fais comme tu veux. »
Plus tard dans la journée, Amélie lui demanda, avec un sourire faussement affectueux :
« Pourrais-je utiliser le jet privé pour mon voyage en Méditerranée ? Pour la régate. J'aimerais partir un peu plus tôt, me détendre avant la compétition. »
Jean-Christophe accepta immédiatement, malgré une pointe d'inquiétude qu'il ne parvenait pas à dissimuler. Il détestait quand elle s'éloignait de lui. Mais il voulait lui faire plaisir, surtout maintenant qu'elle était enceinte.
Pendant qu'il était au bureau, Amélie commença méthodiquement à détruire les symboles de leur passé commun. Les photos d'eux deux, souriants, furent déchirées. Les lettres d'amour, brûlées dans la cheminée. Les petits cadeaux, les souvenirs de voyages, jetés sans ménagement dans des sacs poubelles. Chaque objet détruit était une libération, une étape de plus vers sa nouvelle vie.
Quand Jean-Christophe rentra, il découvrit le carnage. Des cadres vides, des cendres dans la cheminée. Il se précipita pour sauver une petite statuette qu'il lui avait offerte lors de leur premier voyage à Rome. Il la regarda, perdu.
« Amélie, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi as-tu fait ça ? Tu es... inquiète pour quelque chose ? Pour le bébé ? »
Il interpréta son calme étrange comme de l'anxiété. Amélie le regarda sans ciller.
« Non. Juste un grand ménage de printemps. »
Un dernier message de Victoire arriva sur le téléphone de Jean-Christophe, qu'il avait laissé sur la table de nuit. Amélie le vit s'allumer. Une photo. Victoire, portant un des déshabillés de soie d'Amélie, un sourire triomphant. Le message disait : "Elle te va mieux qu'à moi, tu ne trouves pas, mon amour ? Hâte de te voir ce soir." Amélie sentit la colère monter, froide et déterminée. Elle décida qu'elle ne fuirait plus la vérité. Elle la regarderait en face.
Elle savait que Jean-Christophe avait une réception ce soir-là chez ses parents, au château de Védrines. Elle s'y rendit, sans prévenir. Elle entra par une porte dérobée, guidée par une intuition. Elle le trouva dans le grand salon, riant avec Victoire. Les jumeaux jouaient à leurs pieds. Madame de Védrines mère les regardait avec un sourire approbateur. Une scène de bonheur familial.
Amélie réalisa alors avec une clarté douloureuse que toutes les expériences "uniques" qu'elle pensait avoir partagées avec Jean-Christophe – les dîners aux chandelles, les week-ends romantiques, les discussions passionnées sur l'art – avaient probablement été dupliquées avec Victoire. Elle n'avait été qu'un rôle, une actrice dans une pièce bien rodée. Le sentiment d'avoir été dupée, trahie au plus profond de son être, la submergea.