Chapitre 6 Chapitre 6

Nom de Dieu, pensa Kurt. Quelle bombe.

Il avait du mal à y croire. Carmen était un véritable fantasme incarné : des courbes douces, sensuelles, et un corps délicieusement réactif. Elle valait chaque centime que ses amis avaient déboursé, bien au-delà même de tout ce qu'il aurait pu imaginer. En la prenant dans ses bras, il la transporta sans un mot de l'autre côté de la pièce, pour la déposer sur le dos, sur le canapé. Sa tête reposa contre un coussin moelleux, tandis qu'il encadrait son corps de ses bras. Il rapprocha ses jambes, les allongea sur le côté, puis les replia avec précision, exposant la source encore ruisselante de son plaisir. Le parfum capiteux de son excitation flottait dans l'air, l'enivrant.

- Tu restes exactement comme je t'ai mise, ordonna-t-il.

- Oui, répondit-elle d'une voix rauque, féminine, presque brisée.

Ses pupilles encore dilatées, son regard brillant et vague, trahissaient l'onde de l'orgasme qui venait à peine de se retirer. Des perles de larmes étincelaient encore sur ses joues. Elle avait cette expression typique, celle d'une femme qui venait de toucher le ciel. Sa chevelure longue et sombre s'éventait autour d'elle, tombant en cascade au bord du canapé, un brin collé à sa joue rougie par la chaleur.

Je lui ai fait ça, songea Kurt, gonflé d'un orgueil brut et viril.

Il aurait voulu immortaliser cette image. Carmen, abandonnée, repue, et encore si belle. Ce simple spectacle le fit durcir davantage – si c'était encore possible. Il se pencha, effleura sa mâchoire, ses joues humides, ses lèvres tremblantes, goûtant la salinité de ses larmes comme un nectar secret. Puis il recula juste assez pour la contempler. Cette femme, douce, offerte, docile, l'observait sans détour, prête à répondre au moindre de ses désirs.

- Tu es incroyablement sexy, murmura-t-il. Tu me plais plus que je ne saurais le dire.

- J'en suis heureuse, souffla-t-elle. Je veux te plaire, plus que tu ne peux l'imaginer.

Cette déclaration sincère, accompagnée de la caresse rapide de sa langue sur ses lèvres gonflées, déclencha en lui un élan irrésistible. Mon Dieu...

Il écarta une mèche collée à sa tempe, et dans ses yeux brillait un abandon total. Elle le regardait comme s'il était l'unique centre de gravité de son monde.

- Ma fille, murmura-t-il tendrement. Tu es un trésor.

Cette douceur soumise, cette offrande sans conditions, fit bouillonner son sang. La mâchoire serrée, les lèvres tendues, il restait figé un instant, hypnotisé. Il aurait su si elle jouait. Mais ce n'était pas le cas. Carmen était sincèrement dévouée, sincèrement offerte. Donner du plaisir semblait l'accomplir profondément. Elle aspirait à ce qu'un homme prenne les rênes pendant l'acte, qu'il la guide, la maîtrise. Quel Dom ne rêverait pas d'une pareille dévotion ?

Était-ce cela, ce qui la rendait si envoûtante ?

Kurt ne se rappelait pas avoir déjà ressenti une telle intensité charnelle. Une force primitive semblait s'être réveillée en lui, faisant vibrer ses instincts les plus archaïques. Carmen éveillait en lui quelque chose de sauvage, d'irrépressible. Il voulait la garder, la chérir, la posséder dans chaque fibre de son être - même de façons qu'il n'avait jamais envisagées.

La désirer dans tous les sens ? Oui, c'était logique. Mais vouloir la garder ? La protéger ? C'était absurde. Il ne la connaissait même pas. Ces pulsions naissaient d'un instinct masculin, brutal, presque animal.

Et pourtant, il ne pouvait nier ce magnétisme viscéral.

La voir s'effondrer en larmes de soulagement l'avait bouleversé. D'où venait toute cette émotion ? Cette pureté sauvage dans son plaisir l'avait renversé. Carmen n'avait rien retenu, rien masqué. Elle s'était livrée, entière, frémissante, généreuse, avide, reconnaissante.

Tellement parfaite.

Il avait pris son temps, la guidant doucement jusqu'au bout de sa jouissance, caressant, apaisant, jusqu'à ce que les tremblements cessent. Elle avait réveillé en lui une pulsion protectrice, le besoin de l'envelopper et de la ramener avec lui, loin de tout.

Mais pourquoi une escort aussi affamée sexuellement ?

- Pose tes mains sur ta poitrine, une sur chaque sein, ordonna-t-il, prenant ses paumes et les plaçant lui-même là où il les voulait. - Oui, comme ça. Offre-les-moi.

Il s'éclaircit la gorge, un sourire carnassier aux lèvres.

- Très bien. Ne bouge plus.

Cette obéissance immédiate et empressée l'électrisa. Putain, y avait-il quelque chose qu'elle refuserait ? Carmen adorait être dirigée. Elle se nourrissait de son autorité. Cela ne faisait qu'exacerber davantage son désir pour elle.

Mais comment une prostituée pouvait-elle encore éprouver un tel désir ? N'était-ce pas leur quotidien ? Une idée traversa son esprit. Et si Carmen était nymphomane ? Il avait lu des articles là-dessus : des gens qui n'étaient jamais rassasiés. Il se souvenait s'être posé la question à l'adolescence – mais ne l'avaient-ils pas tous fait à cet âge ?

Peut-être qu'elle avait ce feu en elle, cette insatiabilité qui justifiait son métier. Pour quelqu'un obsédé par le sexe, être une fille de joie pouvait sembler naturel.

Et alors ? Kurt l'aimait bien. Call-girl ou pas. Qui était-il pour juger ?

Il eut un ricanement intérieur en pensant au nombre d'hommes qui se jetteraient sur une carrière de gigolo, s'ils le pouvaient.

Et pourtant, derrière l'abandon et la sensualité, il devinait quelque chose d'autre en elle. Une faille. Une douleur sourde logée quelque part, dans l'ombre.

- Je ne te ferai pas de mal, lâcha-t-il soudain, pris de court par ses propres mots.

Pourquoi avait-il dit ça ? Il aurait voulu ravaler cette phrase. Mais il avait vu quelque chose. Dans son regard. Une peur. Une douleur qui lui parlait. Quelque chose d'humain. De semblable à lui.

Les yeux noirs de Carmen s'écarquillèrent. Il y lut de la surprise, peut-être même... de la gratitude ? De la reconnaissance ? Ou autre chose de plus profond encore ?

- Merci, dit-elle simplement, d'une voix douce, et ses prunelles brillèrent d'émotion.

Les larmes n'allaient pas tarder à revenir, il le sentait. Mais cette fois, ce n'était pas un trop-plein de détresse. Elle semblait heureuse. Apaisée.

Et lui, il ne voulait surtout pas d'une discussion. Pas de confession.

Il lui adressa un clin d'œil coupable, pour éviter tout prolongement.

Il n'avait pas envie de parler.

Il avait envie de la baiser.