Le maharaja fut informé par son premier conseiller que son fils, l'héritier au trône, était souffrant. Un mal assez sérieux au vu de l'expression de Mehal.
_ Que lui arrive-t-il au juste ? demanda le souverain avec une inquiétude qui le poussa à se lever d'un trait de son siège.
_ Il semblerait..., hésita le bras droit, que le prince se soit intoxiqué par un quelconque aliment... je veux dire par là que...
_ Mehal, je sais très bien que tu as cœur de ménager mes sentiments de père, seulement, tu dois me parler sans détours. Tu es mon conseiller et mon seul ami...
_ Bien, je vous dis, donc, les choses comme elles se présentent. Le médecin de la cour pense qu'il a ingéré une plante ou un champignon toxique. Les symptômes correspondent en tout cas.
_ C'est donc si grave ?! s'exclama le maharaja en saisissant les épaules de son interlocuteur.
_ Majesté, on fait tout ce qui est en notre pouvoir pour le guérir, il nous faut rester confiant.
_ Je m'en vais de ce pas à son chevet, envoyez-y tous les potards de la cour ! ordonna le roi à sa garde.
_ Je les ai déjà fait mander, majesté. Ils sont en ce moment même au travail pour, dans un premier temps identifier le mal en question, et y proposer un antidote.
_ Mehal, je te suis vraiment reconnaissant pour le dévouement qui est le tien.
_ Je ne fais que mon devoir, majesté.
Sur le trajet, le vieil homme ne pouvait s'empêcher de penser au pire. Une part de lui, refusait de croire que cet événement soit le fruit du hasard, mais une autre part, tremblait à l'idée qu'on ait pu intentionnellement s'en prendre à son héritier. Car si tel était le cas, il ne voyait qu'un coupable possible.
_ Majesté, l'interpela Mehal tandis qu'il allait entrer dans les appartements d'Azam, je voudrais juste vous prévenir... vous ne serez pas autorisé à vous approcher...
_ Je me fiche de ces protocoles pompeux, Mehal. Il s'agit de mon fils !
_ Et avant d'être père, vous êtes le commandeur de cette nation, si le mal dont souffre le raja se transmet, nous aurons un véritable problème...
_ Ouvre donc cette porte et laisse-moi voir mon enfant.
Après un soupir empreint de compréhension, le conseiller s'exécuta...
Le lit d'Azam était entouré des érudits de la cour, ils s'affairaient à l'examiner à tour de rôle, tandis que lui, il semblait osciller entre deux états de conscience. Le cœur du maharadja se serra affreusement et sans tenir compte de la mise en garde qui lui fut faite par son conseiller, il s'avança...
_ Majesté, intervint l'un des apothicaires présents, tant que nous ne sommes pas sûrs du mal dont souffre le raja, vous ne pouvez vous approcher d'aussi prêt.
_ Je pensais que vous penchiez pour une intoxication ?
L'intonation du maharaja se voulut, modulé pour ne rien laisser paraître, mais au fond de lui, son cœur s'étiolait de douleur et d'inquiétude. Jamais il n'aurait pensé que son fils cadet puisse se retrouver dans une telle situation.
_ Tout le laisse croire, en effet, mais il n'y a aucune certitude pour le moment.
_ Comment comptez-vous vous en assurer ?
_ Cela peut vous paraître quelque peu sommaire, mais par l'observation de ses symptômes et leur vitesse d'apparition, nous éliminons certaines possibilités et penchons vers d'autres.
_ Vous voulez dire que vous ne tentez rien ?
Le potard soupira d'impuissance.
_ Majesté, en dehors du traitement des symptômes, nous ne pouvons risquer de lui donner quoi que ce soit. Son foie est déjà assez saturé comme cela par l'éventuelle toxine.
Tout roi fort et inébranlable qu'il était, le maharaja se sentit au bord du malaise. Les gémissements d'Azam qui luttait pour sa vie, le privèrent de ses dernières forces. Ses jambes devinrent faibles, il se rattrapa au pilier du lit.
_ Majesté, s'écria Mehal en le soutenant, venez vous asseoir un instant...
_ Je ne peux pas croire une chose pareille, comment aurait-il pu s'intoxiquer sans s'en rendre compte ? Non, il s'agit sûrement d'une maladie que nous ne connaissons pas. Il ne peut s'agir que de cela, vous m'entendez ?
_ Sire, je comprends vos doutes et nous n'excluons aucune possibilité, continua l'apothicaire. On fera tout ce qui est en notre pouvoir pour trouver...
_ Il y a un autre symptôme, déclara le médecin qui était toujours au chevet du raja. On peut ajouter l'œdème à la liste des maux.
L'érudit qui se tenait face au maharaja secoua la tête tout en assemblant les indices qui manquaient à son énigme.
_ Vous pensez à quelque chose en particulier, lui demanda Mehal avec de l'espoir dans la voix.
_ En effet.
_ De quoi s'agit-il donc ? demanda le souverain avec une hâte qu'il ne pouvait cacher. Peut-on le guérir ?
_ Si c'est bien le poison auquel je pense, il n'y a malheureusement aucun remède connu à ce jour...
_ Le poison ?! s'exclamèrent en chœur le roi et son conseiller.
_ Oui, au vu des symptômes, on se trouve sûrement devant un empoisonnement à l'abrine, plus communément appelé la liane à réglisse...
L'expression de toutes les personnes présentes se mua en effroi et chacun y alla de sa remarque sceptique.
_ Vous êtes certains de votre conclusion, demanda le médecin qui quitta le malade pour rejoindre le potard.
_ Je ne connais malheureusement que peu de plantes capables de tels symptômes. Croyez-moi, j'aurai aimé qu'il en soit autrement.
_ Il ne s'agit pas d'un empoisonnement, déclara le maharaja avec fermeté.
_ Majesté...
_ Il suffit !
Mehal, qui comprit que l'homme n'était pas en mesure d'entendre la réalité ainsi que ce qui aurait pu la causer, intervint :
_ Ne vous précipitez pas de la sorte, mon brave, dit-il à l'érudit. Vous savez, il y a bon nombre de maladies qui peuvent engendrer de tels maux. Voyons d'abord tout ce que le médecin peut faire, et si vraiment les choses n'évoluent pas, à ce moment-là, nous vous rappellerons...
_ Bien maître, on fera selon votre volonté. Néanmoins, et dans le doute, ne lui donnez rien qui pourrait surcharger les émonctoires.