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La décision du mahraja 2
Lavina se blottit contre Azam.
Elle aurait voulu lui dire que ce qu'elle craignait par-dessus tout, ce n'était pas que son frère s'en prenne au roi en place. Non, ce qui lui tordait les tripes depuis que la nouvelle était arrivée à ses oreilles, c'était qu'un mal soit fait à celui qu'elle aimait. Elle n'était peut-être qu'une concubine dans ces lieux, mais elle venait d'une grande famille aristocratique et savait par expérience où pouvait mener l'émulation fraternelle.
Le sang avait bien des fois, coulé et pour moins que cela. Que dire du pouvoir absolu dans ce pays... un homme aussi obtus et querelleur que Kenzi ne laisserait jamais passer cet affront. Déjà en tant qu'ainé, il ne voyait pas d'un bon œil les jeux qu'on lui imposait, il n'allait pas rester silencieux devant la décision arbitraire de son père.
_ Mon amour, je ne suis pas venu ici pour te voir accablée de la sorte, de toute façon et connaissant mon frère, il va sûrement convoquer le conseil et tenter de plaider à nouveau sa cause. Bien entendu, je me joindrai à sa doléance afin que le maharaja entende raison.
_ Je ne suis pas sûre que le résultat soit celui que vous attendez, soupira Lavina. Sa majesté n'a pas pris ce décret à la légère, il ne reviendra pas dessus. Et pour être franche, il n'a pas tort. La majorité espère que tu te hisses à la tête de ce pays, ton père ne fait que s'assurer que la voix du peuple soit exaucée.
_ Je m'y hisserai, s'il me laisse faire. S'il me fait confiance, je deviendrai son successeur et sans heurts.
_ Je ne sais pas... quelque chose me dit, qu'importe la façon dont tu deviendras roi, ton frère n'en sera jamais satisfait. Et pour être franche, je craignais qu'il n'use de subterfuges malhonnêtes pour te disqualifier lors de vos affrontements.
_ Je ne peux pas te laisser dire ça ! objecta le raja en se levant d'un trait. Mon frère est un combattant fier, jamais, il ne s'abaisserait à de pareils stratagèmes.
_ Azam, je dis juste que...
_ Je m'inquiète pour nos relations familiales, car elles seront mises à rude épreuve, mais jamais, je ne pourrais croire que mon frère puisse dépasser les limites de la bienséance. N'oublie pas que nous avons eu la même éducation et qu'en dehors de quelques différences de caractère, nous sommes pétris des mêmes principes.
_ Bien, majesté. Vous avez sûrement raison... comme toujours, j'ai tendance à me faire des idées et à m'inquiéter pour aucune raison.
Pour ne pas ajouter à son mal-être, Lavina saisit la main de son amant et l'invita à reprendre sa place.
Son rôle, après tout, n'était pas de se mêler de la vie politique qui régissait le pays, mais d'être un soutien pour le père de sa fille.
_ Je manque à tous mes devoirs, fit-elle en arborant un sourire aussi naturel et doux que possible, sa majesté veut peut-être manger ou boire quelque chose ? Avez-vous au moins soupé ?
_ Non, avec tout ce qui s'est passé aujourd'hui, je n'ai pas pris un seul repas...
_ Je me charge de vous faire porter un plateau dans ce cas.
Liant le geste à la parole, la jeune femme se leva et sortit un instant.
_ Le repas sera servi dans une vingtaine de minutes, annonça-t-elle en revenant dans la chambre, voulez-vous prendre un bain, en attendant ? Cela vous ferait le plus grand bien...
Les yeux ambre d'Azam se plissèrent et un sourire anima son visage tendu. Il accepta l'invitation d'un hochement de tête.
Sans attendre la jeune femme se dirigea vers la salle de bain. Et alors qu'elle se pencha sur le chaudron pour prélever de l'eau chaude, la voix du raja l'arrêta.
_ Laisse, je vais m'en charger.
_ N'ayez crainte majesté, je ne remplirais pas le seau, il ne risque pas d'être lourd.
_ Éloigne-toi de ce chaudron et de ces seaux, et laisse-moi faire, ordonna-t-il doucement.
La chance qui était la sienne était à peine croyable.
Qu'avait-elle fait comme bonne œuvre pour mériter un amant aussi doux et attentionné.
Lavina recula tout en couvant Azam d'un regard plein de tendresse. Elle se souvenait encore la première fois qu'elle l'avait rencontré, sa haute stature élancée se démarquait de celle des autres hommes présents à cette réception royale. Au premier regard, elle décela une espèce de sensibilité qui l'émut bien plus que sa beauté incontestable. Il y avait pléthore de femmes qui lui tournaient autour et pas une n'avait retenu son attention. Alors qu'il l'aurait pu, le beau prince ne jouait ni de son statut, ni de son apparence pour faire des conquêtes.
Si ce soir-là, il ne l'avait pas remarqué non plus, Lavina, elle, était tombée sous son charme dévastateur...
Et alors que ses pensées l'avaient fait voyager à travers le temps, le corps dévêtu du prince la ramena aussitôt à elle. Elle s'empourpra et baissa les yeux de gêne...
...
Azam sourit devant cette manie qui ne quittait pas sa femme, et ce, malgré les années et l'intimité qu'ils partageaient depuis tout ce temps.
_ Je vais vous faire préparer une tunique propre, fit-elle pour dissiper son trouble. Je n'en ai pas pour longtemps...
Et alors qu'elle voulut sortir de la pièce, le prince saisit la taille de sa concubine et l'amena à lui. Il resserra son étreinte et posa ses mains sur son ventre.
_ Majesté...
_ Tu penses vraiment que je ne me doute de rien ?
Tout en se tournant vers Azam pour lui faire face, la jeune femme arbora une expression aussi étonnée qu'inquiète.
_ Majesté... je... je n'ai jamais eu l'intention de vous cacher quo...
_ Je le sais bien, tu n'as pas à craindre ma réaction.
_ Comment est-ce que vous...
_ Disons que nos moments d'intimités n'ont pas été interrompus depuis un petit moment déjà. J'en ai, donc, conclus que notre petite famille allait sûrement s'agrandir.
Quand sa femme hocha la tête pour acquiescer à sa supposition, Azam sentit une joie incommensurable l'habiter, une joie qui dissipa toutes ses mésaventures du jour. Il était déjà le père comblé d'une merveilleuse petite fille, et là, il allait pouvoir réitérer ce bonheur en accueillant un autre petit être qui l'appellerait "père"...