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La décision du maharaja 4
_ Quand est-ce que je pourrais voir père ? demanda la petite Anisha à sa mère. Il n'est pas venu me voir depuis trois jours déjà.
Lavina ne savait que répondre à sa fille. Elle était elle-même dans le flou le plus total. L'absence du raja ne l'aurait pas inquiété outre mesure, s'il ne lui avait pas assuré qu'il reviendrait deux plus tard.
_ Je sais bien qu'il te manque, ma princesse. Mais tu sais, il a beaucoup à faire en ce moment...
_ Madok m'a dit que bientôt, ça sera père qui deviendra maharaja... et aussi que ce sera lui qui commandera au pays tout entier.
_ Oui, ma chérie. Madok a raison. Dans moins d'un mois, ton père deviendra le roi de ce pays. Et toi comme moi, nous devons tout faire pour l'aider.
_ Moi ? Demanda l'enfant avec étonnement. Mais mère, je ne suis qu'une petite fille.
_ Oui, bien sûr, mais tu sais, tu peux aider à ton niveau. Par exemple, tu peux lui montrer que tu le soutien, et quand il t'apparaîtra fatigué où soucieux, tu pourras l'encourager.
_ Je sais ! je vais m'entraîner avec Madok ! Ainsi, je deviendrai forte et je pourrai le protéger.
Lavina sourit à ces mots adorables. La sensibilité de sa précieuse enfant était telle, qu'elle devinait ce dont allait réellement avoir besoin son père dans la conjoncture actuelle.
Perdant patience devant l'absence prolongée d'Azam et voyant qu'aucune nouvelle ne lui arrivait de lui, elle se décida à agir.
_ Aliya, peux-tu faire appeler quelqu'un afin qu'il porte un message au raja.
_ J'y vais de ce pas madame.
_ Nora, emmène la rani, jouer un peu dehors, je vous rejoindrais dès que j'aurai écrit le bulletin.
La gouvernante acquiesça et vint récupérer la petite qui était sur les genoux de sa mère.
_ Mais enfin, tu m'avais promis que nous écririons des poèmes toute l'après-midi, protesta Anisha.
_ Et nous le ferons. Je vais juste envoyer un mot à ton père pour lui proposer de nous rejoindre. C'est une bonne idée qu'en dis-tu ?
_ Oui, c'est une très bonne idée. Je pourrais aussi lui montrer ce que j'ai appris avec mon épée en bois.
_ Je suis sûre qu'il sera ravi de voir tes progrès ma chérie.
À peine la jeune femme s'était assise devant son secrétaire, que sa suivante entra avec empressement.
_ Madame, il y a un émissaire pour vous. Il vient du palais et a un message du raja Azam.
Le soulagement allégea aussitôt la poitrine serrée de Lavina. Enfin son compagnon daignait lui donner de ses nouvelles.
Elle était consciente que depuis sa nomination, son emploi du temps s'était alourdi, mais ce n'était pas une raison pour en oublier ses obligations familiales.
_ Très bien, fais-le entrer.
Alia s'exécuta aussitôt.
_ Tu m'as apporté un message ? fit Lavina en allant à la rencontre de l'envoyé.
_ Oui madame, sa majesté n'est pas au mieux de sa forme et il s'excuse de ne pas avoir pu tenir ses engagements.
_ Le raja est souffrant ?
_ C'est ce qu'il paraît, madame.
Le cœur de Lavina se serra à nouveau. Bien qu'elle eût de ses nouvelles, elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter.
De quel mal souffrait-il ?
Il ne s'agissait sûrement pas d'une simple toux, auquel cas, il ne serait pas resté trois jours sans donner de signes.
_ Écoute, retourne auprès de ton maître et préviens-le de ma visite. Je serai chez lui dans une petite heure.
_ Bien madame.
Sans attendre, Lavina prit son voile et sortie à la recherche de la gouvernante en chef.
C'était dans les moments comme celui-là qu'elle maudissait le règlement strict qui régissait le pavillon des femmes. Au lieu d'aller simplement rejoindre son homme, elle devait obtenir l'autorisation de la gouvernante en chef, qui a son tour devait envoyer une demande au palais. Une fois la demande acceptée, des gardes seraient dépêchés pour l'escorter.
Heureusement que le sérieux de Lavina la précédait, sa demande fut rapidement agréée et après une petite heure, deux gardes l'attendaient dehors.
Après s'être enroulée dans son voile blanc et or, la jeune femme alla rejoindre son compagnon.
...
_ Majesté, je n'ai pas l'impression que votre état s'améliore. Je devrais faire appeler le médecin de la cour.
Azam sentait bien que quelque chose ne tournait pas rond. Ce qu'il avait pris pour un simple mal de ventre saisonnier, prenait de plus en plus d'ampleur. À tel point qu'il sentait son corps se vider un peu plus à chaque heure. Et cette brulure qui ne quittait pas sa bouche et son estomac, commençait à l'inquiéter.
Et puis Lavina qui voulait expressément le voir...
_ Majesté, insista son valet.
_ Très bien, va donc chercher le médecin. Et si ma femme arrive entre temps, rassurez-la quelque peu et renvoyez-la.
_ Très bien sire, mais si vous voulez mon avis, elle ne repartira pas sans vous avoir vu. Et connaissant madame, elle voudra rester à votre chevet après cela.
Ce n'était pas faux, seulement, il ne pouvait prendre le risque de lui transmettre son mal, surtout dans son état. C'était d'ailleurs pour cela qu'il avait repoussé sa visite de la veille.
Azam espérait que tout rentrerait très vite dans l'ordre, et qu'un simple remède l'aiderait à aller mieux. Il était dans la fleur de l'âge et son corps était fort, il n'y avait pas de raison pour que cela se passe autrement.
L'érudit qui examina Azam resta perplexe quant au mal qui le touchait. S'il avait d'abord penché pour un problème gastrique comme il y en avait à chaque nouvelle saison froide, il se ravisa en entendant le raja lui parler de cette brulure incessante.
_ Majesté, vous souvenez-vous avoir ingéré quelque chose en dehors des repas contrôlé par les cuisines ? Une infusion ou une plante quelconque ?
_ Absolument rien, c'est bien pour cela que je ne me suis pas inquiété outre-mesure.
Le vieil homme sembla pensif en prenant le pouls du prince, son air grave, donna le ton.
_ Majesté, madame est là, annonça le valet en entrant dans la chambre, j'ai tenté de la renvoyer comme vous me l'avez dit, seulement, rien n'y fait, elle insiste.
_ Pourquoi ne peux-tu pas simplement obéir aux ordres, pesta le malade. Dis-lui de repartir et que je passerais la voir quand je me sentirai mieux...
_ Il en est hors de question, déclara Lavina qui avait suivi le domestique sans autorisation. Puis en accourant au chevet de son compagnon, majesté, que vous arrive-t-il donc ?
Ses mains s'étaient déjà posées sur le visage d'Azam et ses yeux cherchaient à comprendre la situation. En même temps, et sans avoir eu besoin de le confirmer dans un miroir, le prince savait qu'il ne renvoyait pas une image rassurante.
_ Allons, Lavina, arrête de t'inquiéter. Il ne s'agit que d'un banal mal de ventre, comme cela arrive parfois.
_ À vous voir, il ne s'agit pas de cela. Votre visage et vos cernes sont creusés comme jamais et vos lèvres ont pris une teinte inhabituelle...
_ Lavina...
_ Votre éminence, fit-elle à l'intention du médecin, dites-moi de quoi il en retourne vraiment ?
L'homme adressa un regard gêné au fils de son souverain qui l'autorisa à parler, d'un signe de la tête.
_ C'est difficile à dire, madame. À en croire les symptômes, il s'agirait d'une intoxication... mais nous n'en avons encore aucune certitude, ajouta-t-il pour ne pas affoler la jeune femme.
Lavina tourna la tête vers son compagnon, l'inquiétude qu'Azam voulait à tout prix éviter, s'afficha sur le visage fin et frêle de sa bien-aimée. Il voulut prendre sur lui et se lever pour lui montrer que la guérison était proche, mais un violent vertige le saisit. Il s'accrocha à sa compagne avant de se laisser choir sur le lit.
Le valet et l'érudit accoururent aussitôt. Et voyant qu'un énième haut-le-cœur le saisissait, son suivant lui apporta la bassine prévue à cet effet.
_ Majesté, il nous faut prévenir votre père, déclara le médecin. La situation est sérieuse...