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Le piège se referma avec un claquement sec, comme le dernier souffle d'un monstre tapi dans l'ombre. Redan avait à peine eu le temps de réagir que l'acier magique, rigide et impitoyable, s'enroula autour de ses jambes, l'empêchant de bouger. Une douleur brûlante parcourut ses veines. Il grimaça, essayant de libérer ses membres, mais la magie, plus rapide que ses réflexes, le maintenait ancré dans le sol.
« Foutu... » Il grogna en serrant les dents. Le poison magique, lent, s'infiltrait déjà dans sa chair, comme une mer glacée venant lécher ses os. La forêt s'épaississait autour de lui. Le silence se faisait lourd, oppressant.
Puis, une silhouette se glissa dans son champ de vision. Rapide, fluide. Une ombre parmi les ombres. Il n'eut pas le temps de distinguer un visage, mais il la sentit. La présence. Comme une pulsation qui l'effleurait, une onde qui faisait trembler la terre sous ses pieds. Un souffle. Un geste.
La douleur s'intensifia. Il cessa de lutter. Pas de point d'appui. Pas de force suffisante pour briser le sort.
Elle s'approcha sans un mot. Ses mouvements étaient précis, dénués de la moindre hésitation. Avec une agilité impressionnante, elle fit glisser quelque chose sur la chaîne magique qui enserrait ses jambes, une flamme violette dans sa main. Le métal se déforma, se tordant comme de la cire, avant de se briser en éclats.
La douleur se dissipa aussitôt. Redan tomba à genoux, les bras tremblants sous le choc. Il n'avait même pas eu le temps de se relever que l'ombre avait déjà disparu, aussi silencieuse qu'elle était venue.
Il tenta de se redresser. Ses muscles étaient faibles, sa respiration saccadée. Mais il n'était pas seul. Il pouvait le sentir. L'écho de sa présence flottait dans l'air, invisible, intangible.
Puis, il entendit la voix. Douce, comme un murmure porté par le vent. Un appel. Un nom qu'il n'avait jamais entendu auparavant.
« Redan... »
Il se figea, cherchant à localiser l'origine du son. Personne. Juste le vide. Mais la voix persistait, douce, tendue.
« Redan... Viens à moi. »
Un frisson le parcourut. Quelque chose de familier et d'étrange. Un frisson qui le toucha profondément. Il se redressa d'un coup, se haussant sur ses jambes. Il scrutait la forêt, l'obscurité, ses yeux cherchant à percer ce qui échappait à sa vue.
La voix... Elle n'était pas dans sa tête. Pas dans son esprit. Elle était là, tout autour de lui, dans l'air même qu'il respirait. Elle était vivante.
Il se laissa tomber contre un arbre, essoufflé. Comment un piège magique avait-il pu l'atteindre ? Et pourquoi cette femme, cette présence mystérieuse, lui avait-elle sauvé la vie sans un mot ? Pourquoi disparaître à cet instant précis, sans aucune réponse ? Une question résonnait dans son esprit : *Pourquoi moi ?*
Puis, comme si cette question n'avait pas été posée de manière convenable, la réponse arriva, lente, insidieuse. La voix reprit, plus forte cette fois, plus insistante.
« Redan... »
Il ferma les yeux, luttant contre une sensation de vertige, comme si la voix lui entrait dans le corps, l'envahissait.
« Qui es-tu ? » Il chuchota à l'air. Aucun bruit. Pas même un souffle. Il tendit l'oreille, cherchant cette essence qui l'appelait sans relâche. Mais la forêt était vide. Toujours cette obscurité oppressante.
Les secondes se firent des minutes, les minutes des heures. Et soudain, le silence se brisa.
Une silhouette apparut. Elle était là. Comme une illusion. Il ne savait pas si c'était elle ou un mirage. Une image floue, distordue. Mais ses yeux étaient grands ouverts, brûlants de curiosité. Il se redressa, s'élançant vers elle.
« Qui... »
Elle se tenait là, non loin. Masquée. Cette même présence qui l'avait sauvé, la même ombre qui le hantait depuis son réveil. Mais le masque restait inaltérable, impénétrable. Ses yeux brillaient comme des braises sous une pluie d'étoiles.
Elle ne répondit pas, se contentant de le regarder, de le sonder, comme si chaque mouvement, chaque respiration, chaque pensée qu'il avait eue ces derniers jours passait sous son regard. Elle savait, tout. Peut-être même plus.
Le vent se leva soudainement, bruyant, faisant danser sa silhouette. Un éclat de lumière traversa la forêt, frappant son masque, et pendant une fraction de seconde, il crut apercevoir... une marque.
La marque. Elle lui était familière. Comme une brûlure oubliée.
La voix s'éteignit, mais une présence persistait. Il la sentait, là, tout près. *Vient-elle de lui répondre ?* Il n'en était plus sûr. Il n'avait plus de repères. Ce qu'il savait, cependant, c'était qu'il devait suivre cette voix.
S'il la suivait, tout pourrait changer. Mais à quel prix ?
Il se redressa, les yeux fixés sur la silhouette fugitive.
« Pourquoi m'as-tu sauvé ? »
Il attendit. Elle ne répondit toujours pas, mais la lueur de ses yeux sembla se raviver. Elle se tourna vers lui une dernière fois, avant de disparaître dans la brume de la forêt.
Il resta là, seul, sous le ciel insondable.
Et la voix revint, à peine un souffle, mais cette fois, il n'y avait plus de doute. Elle venait de lui.
« Viens... »
Un frisson glacé lui parcourut l'échine.
La pierre émergea lentement sous ses doigts, dissimulée parmi les racines tordues d'un arbre mort. Une rugosité étrange parcourait sa surface, comme si le temps lui-même avait voulu en effacer les contours. Redan la tourna dans sa paume, ses yeux se plissant sous l'effort de percer le secret qu'elle renfermait. Là, gravée dans l'obscurité des fissures, une marque. Un sigle. La Lune Rouge.
Un frisson glacé traversa sa nuque. Ce symbole, il l'avait vu ailleurs, dans les contes des anciens, les murmures des ancêtres qu'il avait ignorés. La Lune Rouge. Un mythe. Une légende qu'on murmurait dans les tavernes, un avertissement que les aînés s'étaient toujours efforcés d'éteindre dans les flammes de l'oubli. Mais là, sous ses doigts, elle était bien réelle, tangible. Il ne rêvait pas.
Redan s'agenouilla, l'air lourd de questions. Que signifiait cette pierre ? Pourquoi était-elle là, oubliée par le monde ? Il savait que chaque élément, chaque artefact dans cette forêt possédait son propre poids, son propre pouvoir. Mais cette pierre... elle dégageait quelque chose de bien plus ancien, de bien plus dangereux.
Il observa la forme du sigle, les courbes parfaites, la manière dont la Lune semblait se déverser dans un océan sanguin. L'alignement de la gravure rappelait l'éclipse d'un soleil pourpre, un événement qui n'était censé se produire que tous les siècles. Un présage. Un avertissement. Ou un appel.
Les souvenirs des anciens murmures l'envahirent, comme une vague écrasante. La Lune Rouge n'était pas simplement un mythe. C'était un signe. Un retour. Un réveil. Et tout autour de lui semblait le conduire vers ce seul et même destin. Il ferma les yeux, se sentant soudainement pris au piège dans une toile qu'il ne comprenait pas encore.