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Les couloirs du lycée avaient un parfum de cire ancienne et de craie frottée. Rien n'avait changé. Les affiches collées de travers sur les murs, les élèves qui traînaient dans les escaliers, les casiers cabossés par des années de coups de pied impatients. Et pourtant, pour Élina, tout était différent.
Elle n'était pas une simple adolescente qui découvrait cet univers.
Elle en connaissait chaque recoin.
Et surtout, elle savait ce qui allait s'y produire.
Son cœur battait plus vite que la normale alors qu'elle gravissait les marches menant à la cour. Des visages familiers surgissaient dans la foule. Des souvenirs. Des regrets. Des avertissements.
Et soudain, elle la vit.
Assise sur un muret, en tailleur, casque vissé sur les oreilles, un roman entre les mains.
Maelys.
La douleur lui coupa le souffle.
Elle n'était pas prête.
Dans sa première vie, Maelys avait été la seule lumière au milieu du chaos. Fidèle, brillante, intuitive. Elle avait vu ce que les autres refusaient de regarder. Et elle avait payé le prix fort pour avoir découvert la vérité. Une vérité qu'elle avait tenté de transmettre à Élina... trop tard.
Dans ce passé révolu, Maelys était morte.
Elle s'était tue dans l'indifférence.
Mais aujourd'hui, elle était là. Vivante. Ignorante du sort qui l'avait autrefois attendue.
Élina sentit son regard s'embuer, mais elle inspira profondément. Pas de larmes. Pas de faiblesse. Elle avait une deuxième chance, et elle ne comptait pas laisser l'histoire se répéter.
Elle s'approcha lentement, comme si elle craignait que la simple distance franchie puisse briser cette réalité fragile.
Maelys leva les yeux de son livre, retira son casque, et lui adressa un regard curieux.
- T'es nouvelle ? demanda-t-elle, le ton neutre mais le regard perçant.
Élina esquissa un sourire. Elle reconnut aussitôt cette intelligence brute, cette capacité à lire les gens comme des livres ouverts.
- Élina. Je viens d'arriver.
- Maelys. On t'a pas briefée sur les bizarreries du lycée ?
- Pas encore, sourit-elle. Je suppose que tu veux t'en charger ?
Maelys haussa une épaule, amusée.
- Pourquoi pas. Je préviens juste que je suis un peu brutale. Si tu fais partie des populaires, des hypocrites ou des groupies de Camille, je t'abandonne direct.
Élina éclata de rire, un vrai, un qu'elle n'avait pas entendu depuis longtemps. Maelys haussa un sourcil, intriguée.
- Quoi ? J'ai dit un truc drôle ?
- Non. Juste... Tu me rappelles quelqu'un.
Toi-même. Avant. Avant qu'ils ne te brisent.
Maelys la fixa un moment, comme si elle tentait de capter quelque chose sous la surface. Puis elle sourit.
- T'as une vibe étrange, Élina. Un peu comme si t'étais pas vraiment... neuve ici.
Élina détourna le regard, une ombre dans les yeux.
- C'est peut-être parce que je sais déjà comment les choses peuvent mal tourner.
Maelys fronça les sourcils, puis fit glisser son sac à ses pieds.
- Assieds-toi. Je vais t'apprendre à survivre ici.
⸻
De l'autre côté de la cour, Camille observait la scène. Son regard était noir, son cœur, inquiet.
Il y avait quelque chose de profondément dérangeant dans cette nouvelle venue. Elle avait l'allure d'une fille discrète, mais elle captait l'attention sans le vouloir. Même Maelys, si difficile à approcher, semblait fascinée.
Camille serra les poings.
Il y avait une étrange sensation de déjà-vu. Un vertige presque. Comme si quelque chose enfoui dans sa mémoire frappait à la porte, exigeant qu'on le laisse entrer.
Elle secoua la tête. Impossible. Ce n'était qu'une coïncidence.
Et pourtant...
Quand son regard croisa celui d'Élina, cette dernière la fixa sans ciller.
Pas un regard de soumission, ni même de crainte.
Non. Un regard de défi. De reconnaissance.
Camille frissonna sans comprendre pourquoi.
⸻
Plus tard dans la journée, alors que la cloche retentissait et que la foule d'élèves s'écoulait dans les couloirs, Élina marcha silencieusement jusqu'à la bibliothèque. Maelys l'y avait rejointe avec une pile de livres dans les bras.
- Tu veux qu'on révise ensemble ? demanda Maelys. J'ai l'impression que t'as pas besoin de moi, mais t'as l'air d'avoir envie d'être entourée.
Élina la regarda longuement, le cœur lourd.
Dans l'autre vie, c'était Maelys qui l'avait poussée à creuser, à ouvrir les yeux sur Jason et Camille. Et c'était ce même courage qui l'avait menée à sa perte.
Mais cette fois, les rôles avaient changé.
- J'ai besoin de quelqu'un en qui je peux avoir confiance.
- Et moi, j'ai besoin d'une alliée qui ne soit pas aveugle ou corrompue.
Elles se sourirent.
C'était une pacte silencieux, un pont jeté entre deux vies.
Et même si Maelys ne savait rien... Élina, elle, se souvenait de tout.
Et elle était prête à tout pour éviter une seconde tragédie.