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Il y avait dans l'air de ce lundi matin quelque chose d'électrique.
Pas seulement le poids des nuages lourds qui annonçaient la pluie, mais une tension sourde, presque imperceptible, que seul un esprit attentif aurait pu déceler.
Élina le sentit dès son entrée dans l'établissement.
Les regards glissaient sur elle avec une curiosité contenue. Certains avec amusement, d'autres avec prudence.
Le nom de Camille n'avait pas été prononcé, mais son influence flottait dans les couloirs comme un parfum entêtant.
Elle savait ce que cela signifiait.
Camille avait lancé les hostilités invisibles.
Ce n'était pas un affrontement frontal. Pas encore. Mais les rumeurs allaient commencer à circuler. Des bribes. Des mensonges soigneusement distillés. Et peut-être même... quelques vérités utilisées comme poison.
Heureusement, Élina n'était plus la jeune fille naïve d'autrefois. Elle savait que le silence était une arme. Que chaque réaction pouvait être utilisée contre elle.
Alors, elle resta calme.
C'est Maelys qui lui apporta la première information.
- Je crois que tu vas avoir de la visite, chuchota-t-elle, en entrant dans la classe.
- Camille a demandé à un gars de te "tester". Il s'appelle Hugo. Pas méchant, mais facilement influençable.
Élina sourit.
- Parfait. Ça me fera un entraînement.
Et, comme prévu, pendant le cours de littérature, Hugo se pencha vers elle. Il était charmant, dans le genre sportif à l'humour fade. Il lança quelques compliments déguisés, puis aborda des sujets "innocents" : d'où elle venait, si elle connaissait certains élèves, ce qu'elle pensait de Camille.
Elle répondit avec des phrases vagues, sans jamais rien révéler. Une esquive parfaite.
Au bout de dix minutes, Hugo abandonna, un peu troublé.
Maelys lui lança un clin d'œil.
Élina avait passé le premier test.
⸻
Mais au-delà des petits jeux de lycée, il y avait une autre mission qui accaparait ses pensées.
Une mission bien plus ambitieuse : créer sa propre structure d'influence, un réseau à son image. Cette fois, elle ne voulait pas être simple pion sur l'échiquier de Jason ou Camille. Elle voulait devenir joueuse. Reine. Stratège.
Et pour cela, elle devait réunir des gens capables. Discrets. Compétents.
Le premier, elle l'avait repéré dans l'ombre : un élève solitaire, toujours au fond des classes, lunettes opaques, regard vif. Peu d'amis. Beaucoup de murmures autour de lui. On disait qu'il piratait les notes des profs, qu'il savait entrer dans les systèmes informatiques de la mairie ou qu'il pouvait faire disparaître un dossier scolaire en dix minutes.
Son nom : Théo Marceau.
Elle l'observa pendant deux jours. Le moment venu, elle l'aborda dans une salle informatique vide, à la pause déjeuner. Il pianotait sur son clavier, entouré de lignes de code colorées.
- Tu veux faire sauter le système ou juste le chat du proviseur ? demanda-t-elle d'un ton léger.
Il leva les yeux, surpris.
- Qui es-tu ?
- Quelqu'un qui a besoin d'un cerveau comme le tien.
Il pencha la tête, intrigué.
- C'est la phrase la plus dangereusement flatteuse qu'on m'ait dite depuis un moment. Continue.
Elle s'assit à côté de lui, gardant une distance respectueuse.
- Je suis en train de monter... disons, un projet. J'ai besoin de quelqu'un capable de collecter des informations. De manipuler les flux numériques. D'analyser les données sociales du lycée comme un terrain de guerre.
Il haussa un sourcil.
- Tu veux lancer une startup ou un coup d'État ?
- Un peu des deux.
Il la fixa longuement, puis tourna l'écran vers elle. Une carte du réseau intranet du lycée s'y affichait, avec des points rouges clignotants. Chaque point représentait un accès, un nom d'utilisateur, une interaction.
- Ce que tu veux... je le fais déjà. La vraie question, c'est : pourquoi toi ? Pourquoi je devrais t'aider ?
Élina se pencha lentement, et répondit à voix basse :
- Parce que tu n'as jamais aimé les jeux d'influence injustes. Et qu'ils t'ont toujours exclu. Je te propose d'en créer un nouveau, où les règles seront les nôtres.
Il resta silencieux. Puis, lentement, il sourit.
- Marché conclu. Mais j'ai une condition.
- Je t'écoute.
- Tu me promets que, dans ce jeu-là, je ne suis pas juste l'homme de l'ombre.
Elle tendit la main.
- Tu seras la lumière invisible de notre empire.
Il la serra, sans hésiter.
⸻
Le soir même, Élina nota dans son carnet une nouvelle colonne :
Alliés
1. Maelys
2. Théo
Et en face du nom de Théo, elle écrivit :
Clé du système. A protéger. À écouter.
Elle avait les premières pièces. La table était en place.
Et bientôt, le jeu allait vraiment commencer.