img

Shelby & Kylian : Les Contraires s'Attirent

God Grace
img img

Chapitre 1 Chapitre 1

Shelby SABA

Je retiens presque mon souffle dès que j'entends ses pas se rapprocher de ma porte. C'est ainsi tous les matins quand il descend pour aller au travail et tous les soirs à son retour. Mes pires journées restent les week-ends, surtout lorsqu'il décide de les passer à la maison. Dès que je l'entends appeler son chauffeur, je pousse un soupir de soulagement et me détends enfin.

Je m'étire en rejetant ma couette moelleuse. Je descends du lit et me mets à genoux pour remettre ma situation entre les mains de Dieu, une énième fois. À la fin de ma prière, j'allume mon téléphone et le pose sur le lit avant de me rendre dans la salle de bain.

Quelques minutes plus tard, j'en ressors, une serviette nouée autour de la poitrine et une autre enveloppant ma longue chevelure mouillée.

- Seigneur ! dis-je presque en criant, les mains plaquées sur ma poitrine.

Comment est-il entré ?

- Tu pensais vraiment que j'ignorais que tu vivais encore ici ?

- Bonjour, papa.

- Habille-toi et rejoins-moi en bas.

- Jeffrey !

- Tu ferais mieux de rester en dehors de ça, il répond à ma mère avant même qu'elle n'entre dans la pièce.

- Jeffrey, c'est moi qui l'ai forcée à rester. Elle n'y est pour rien.

- Je t'ai posé une question ? lance-t-il avant de se tourner vers moi. Toi, je t'attends en bas.

- Jeffrey, si tu mets ma fille dehors, je pars aussi.

- Tu veux que j'appelle une agence de déménagement pour t'aider, toi et ta fille, ou nos employés peuvent s'en charger ?

- Tu penses que je plaisante ?

- Tu m'as vu rire ?

J'entends mes parents s'écharper en descendant les escaliers. Le claquement des talons de ma mère résonne dans toute la maison. Je pousse un long soupir et m'assois lourdement sur le lit.

Je prends quelques instants pour réfléchir à ceux que je pourrais contacter pour m'aider. Je saisis mon téléphone et compose le numéro de Carène.

- Bonjour, Shelby.

- Carène, je peux venir passer quelques jours chez toi ?

- Le vieux a enfin découvert que tu squattais toujours chez lui ?

- On dirait que tu avais raison. Il savait depuis le début que je n'étais pas partie, contrairement à ce que maman et moi pensions lui faire croire.

- La porte de ma maison t'est ouverte, petite sœur. Viens.

- Merci, Carène.

Je raccroche et commence à faire mes valises.

Irène SABA

- Jeffrey, c'est notre petite dernière, elle n'est pas aussi forte que ses aînés. Laisse-la rester avec nous, s'il te plaît.

- Elle apprendra à être forte dans la rue.

- Par pitié, chéri, ne fais pas ça. Elle ne s'en sortira pas. Cette épreuve sera bien plus difficile pour elle que pour ses frères et sœurs.

- Qui a dit que la vie était facile ? Femme, aie confiance en ta fille. Elle s'en sortira comme les autres.

- Mon amour... dis-je d'une voix douce, les larmes aux yeux.

- Tes pleurs ne m'atteignent pas, tu le sais, n'est-ce pas ? rétorque-t-il en abaissant ses lunettes d'un pouce pour me fixer droit dans les yeux.

- Jeffrey...

- Laisse-moi manger en paix, m'interrompt-il sèchement, reportant toute son attention sur son assiette.

Je le contemple, impuissante, tandis qu'il mange avec ce calme olympien qui me fait parfois perdre tout contrôle.

Après plus de trente-cinq ans de mariage, il m'est toujours impossible de le faire fléchir lorsqu'il s'agit de décisions radicales concernant nos enfants.

Chez les SABA, il existe des règles strictes. Des règles auxquelles personne n'échappe, surtout pas nos enfants, sa propre chair.

À vingt-deux ans, licence ou non, tu quittes la maison. Tu te débrouilles seul pour trouver un emploi qui te permette de subvenir à tes besoins, tout en suivant des cours du soir pour décrocher un master ou un autre diplôme supérieur, dont il finance les frais. Ce n'est pas un choix, mais une obligation. Il est interdit de mentionner à un potentiel employeur que ton père est Jeffrey SABA.

Malgré la notoriété de mon mari et l'exposition médiatique de notre famille, peu de gens connaissent nos véritables enfants. Hormis les proches de la famille, rares sont ceux capables de les identifier. Après la naissance de notre deuxième enfant, Jeffrey m'a enfin présentée publiquement comme son épouse. Pour les photos de famille, nos enfants sont toujours mêlés à leurs cousins et cousines, tous habillés de la même manière, traités de la même façon.

Quand les journalistes curieux lui demandent lesquels sont ses enfants biologiques, il répond que seule sa vie publique les concerne, et non sa vie privée. Nos propres enfants, eux, se contentent de répondre qu'ils sont de la famille SABA.

- Papa, j'ai besoin d'un bon d'essence pour mon véhicule, demande son neveu de trente-trois ans, incapable de subvenir à ses besoins.

- Va voir Kiki, réplique Jeffrey, l'air indifférent.

- Bonjour maman, me lance-t-il en quittant le salon.

Je l'ignore. Jeffrey m'observe.

- Tchip ! m'échappe-t-il en quittant la table, écœurée.

Je me demande encore si cet homme aime réellement nos enfants, ou s'il les a jamais aimés.

À ses neveux et nièces fainéants, il répète sans cesse : « Je ne serai pas toujours là pour remplir vos comptes en banque. Travaillez et devenez indépendants. »

Sur les huit qui vivent avec nous depuis leur enfance, un seul a trouvé un emploi et quitté la maison. Les sept autres continuent de profiter sans gêne, paresseux et oisifs, alors que mes trois enfants, eux, sont forcés de partir dès leurs vingt-deux ans.

            
            

COPYRIGHT(©) 2022