Il Patto dei Cuori
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Chapitre 4 04

Giuliana ne retourna pas à l'intérieur. Pas tout de suite.

Leonardo et Noah étaient partis dans deux directions opposées, et elle était restée seule dans le jardin, le souffle court, les muscles tendus comme une corde prête à rompre. Elle avait la nausée. Un vertige. L'impression de n'avoir plus aucun repère. Ce triangle absurde où les choix n'étaient qu'illusions. On lui demandait de choisir entre deux feux, mais personne ne voyait qu'elle était déjà en train de brûler.

La nuit passa sans qu'elle ne trouve le sommeil. Et au petit matin, alors que la villa se réveillait lentement, elle reçut la convocation qu'elle redoutait depuis des jours.

Son père voulait lui parler.

Elle le trouva dans le vieux bureau du rez-de-chaussée, une pièce qu'il n'ouvrait que pour les affaires sérieuses. Les volets étaient à moitié fermés, la lumière dessinant des raies pâles sur les boiseries. Il se tenait derrière son bureau, droit comme une lame, un dossier épais devant lui.

« Assieds-toi. »

Elle obéit sans un mot. Son cœur battait si fort qu'elle peinait à entendre sa propre respiration.

« J'ai entendu parler de ta petite escapade au jardin, » commença-t-il sans lever les yeux. « Avec Ventura. »

Elle ne répondit rien.

« Ce garçon est un rêve. Un mensonge doux, agréable, mais creux. Il n'a rien. Pas d'avenir. Pas de nom. Pas de terre. Toi, tu portes celui des Mariani. Et ce nom ne peut pas s'unir à un fantôme. »

Elle serra les poings. « Tu veux parler du nom que tu as bradé à la table des Vitale ? Ce nom que tu as échangé contre des parts et du silence ? »

Il releva enfin la tête. Ses yeux, sombres et impitoyables, brillèrent d'un éclat dangereux. « Ce nom, Giuliana, c'est tout ce qu'il te reste. Si tu ne le protèges pas, tu ne seras plus rien. »

Elle le fixa, incapable de reculer cette fois. « Tu ne me protèges pas. Tu me vends. »

Un silence. Long. Poignant.

Puis il murmura, d'un ton plus bas, presque fragile : « Ce mariage nous sauve. Il te sauve. Même si tu ne le vois pas. »

Elle secoua la tête, écœurée. « Ce mariage me détruit. »

Il ferma le dossier devant lui et se leva. « Il aura lieu dans dix jours. Prépare-toi. Ou pars. Mais si tu pars... ne reviens jamais. »

Elle le regarda quitter la pièce, figée, les bras pendants, le cœur battant contre ses côtes comme un tambour de guerre.

---

Ce soir-là, elle retrouva Leonardo dans l'orangerie. Il était seul, adossé contre l'un des piliers en pierre, une cigarette à la main, le regard perdu vers les arbres.

Il ne dit rien en la voyant arriver.

Elle s'arrêta à quelques pas de lui. « Tu savais, n'est-ce pas ? Que Noah viendrait. »

Il hocha doucement la tête. « J'espérais. Il lui fallait un dernier acte. Un dernier élan désespéré. »

Elle serra les bras contre elle, frissonnante. « Tu n'as rien fait pour l'arrêter. »

« Je n'en avais pas besoin. Tu allais le faire toi-même. »

Il se tourna vers elle, la fixant avec cette intensité sombre qui la déstabilisait à chaque fois.

« Tu crois que je t'enferme, Giuliana. Que je te réduis à une cage dorée. Mais moi aussi, je suis piégé. Tu veux savoir pourquoi j'ai accepté ce mariage ? Pas pour ton nom. Pas pour les parts de ton père. Mais parce qu'on me l'a ordonné. Parce que refuser aurait signé la mort de mon frère. »

Elle le regarda, interdite. « Ton frère ? »

Il acquiesça. « Matteo. Mon cadet. Mon sang. Il a... il a fait une erreur. Une dette qu'on n'a pas le droit de contracter quand on est un Vitale. Alors j'ai payé à sa place. Avec toi. »

Le silence s'abattit entre eux comme une chute de pierre.

« Pourquoi tu me dis ça maintenant ? »

Leonardo s'approcha. Lentement. Chaque pas semblait peser une tonne.

« Parce que je ne veux pas que tu m'aimes, Giuliana. Pas maintenant. Pas comme ça. Mais je veux que tu me comprennes. Parce qu'on a peut-être été sacrifiés... mais ça ne veut pas dire qu'on doit se perdre. »

Elle sentit ses yeux se remplir de larmes. Pas de chagrin. De colère. D'épuisement.

Et aussi... d'un peu de compassion.

Pour la première fois, elle voyait Leonardo non pas comme un bourreau... mais comme un autre pion.

Un autre sacrifié.

---

Les jours suivants, Giuliana et Leonardo se croisèrent souvent. Jamais seuls, jamais vraiment ensemble. Ils partageaient les repas dans un silence pesant, traversaient les mêmes couloirs, montaient dans les mêmes voitures officielles... mais toujours comme deux étrangers forcés de jouer une pièce qu'ils n'avaient pas écrite.

Et pourtant, quelque chose avait changé.

Leonardo ne parlait plus avec cette supériorité glacée. Il la regardait autrement. Comme s'il cherchait à comprendre ce qu'elle taisait derrière ses silences, ses gestes brusques, ses sourires de façade. Quant à elle, elle avait cessé de le voir comme une simple menace. Il était devenu complexe. Tordu. Humain.

Mais l'annonce officielle du mariage approchait. Une réception devait être donnée dans la villa Vitale pour marquer l'union entre les deux héritiers. Tous les regards seraient braqués sur eux. L'élite, les ennemis, les alliés déguisés... et surtout les vautours.

Giuliana s'y préparait comme on s'apprête à une guerre.

---

Le soir de la réception, elle était métamorphosée.

Sa robe, cousue sur mesure par une maison milanaise, épousait ses formes comme une seconde peau. Couleur ivoire, satinée, dos nu. Pas un bijou. Juste la pureté brutale du tissu et de son regard. Ses cheveux relevés en chignon flou laissaient quelques mèches s'échapper sur sa nuque. Elle ressemblait à une reine prête à monter sur l'échafaud.

Lorsque Leonardo la vit descendre l'escalier central de la villa Vitale, il resta figé quelques secondes. Il portait un costume noir classique, cravate fine, allure de prince mafieux. Mais ses yeux, eux, étaient ceux d'un homme troublé.

Il s'avança vers elle. Lui tendit la main.

Elle hésita... puis la prit.

Sous les flashs, les murmures, les applaudissements et les regards de velours empoisonné, ils avançaient ensemble. Comme deux statues d'un ancien empire. Dignes. Froids. Et brûlants à l'intérieur.

Plus tard dans la soirée, alors que les invités s'étaient éparpillés dans les jardins, Giuliana se réfugia dans la galerie d'art privée de la villa. Une pièce vaste, tapissée de tableaux anciens, d'œuvres oubliées, de souvenirs poussiéreux.

Elle se tenait devant une toile représentant une femme seule au milieu d'un champ en feu. La solitude de cette femme lui renvoyait sa propre image.

« Elle s'est jetée dans les flammes, tu sais. »

Elle sursauta légèrement. Leonardo se tenait à quelques pas derrière elle.

« Qui ? »

« La femme du tableau. C'est une légende sicilienne. Elle avait été promise à un homme cruel. Elle a mis le feu à ses terres la veille du mariage. Elle a préféré tout réduire en cendres. »

Giuliana détourna les yeux du tableau. « Tu me conseilles de faire pareil ? »

Leonardo eut un sourire amer. « Je te conseille d'être plus maligne qu'elle. Si tu veux survivre, Giuliana... tu vas devoir danser au bord du feu. »

Elle le regarda un instant, puis s'approcha de lui.

« Tu dis ça comme si j'avais encore le choix. »

Il répondit sans la lâcher du regard : « Tu as le choix de la façon dont tu vas te battre. Tu peux rester une victime. Ou devenir une joueuse. »

Elle plissa légèrement les yeux. « Tu veux que je sois comme toi ? Froide, calculatrice, sans attache ? »

« Non. » Il s'approcha encore, si près qu'elle sentit son souffle. « Je veux que tu sois plus dangereuse que moi. Parce que le monde dans lequel on entre... ne pardonne pas les faibles. »

Ils se regardèrent en silence, prisonniers l'un de l'autre, de cette guerre qui n'avait pas encore commencé.

Puis, lentement, comme si le reste du monde s'était dissous, Leonardo tendit la main et effleura doucement la nuque de Giuliana, là où s'échappait une mèche rebelle.

Elle ne recula pas.

Mais elle ne céda pas non plus.

Leurs visages étaient à quelques centimètres seulement. L'électricité dans l'air était palpable. Brute. Troublante.

Et pourtant, aucun d'eux ne franchit la ligne.

Parce qu'ils savaient que dès ce soir...

Ils allaient commencer à jouer.

            
            

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